mercredi 29 octobre 2008

La Précolombie est en marche

L’autre Colombie
par Raúl Zibechi
"Quelque chose de nouveau est en train de mijoter dans ce pays", dit Alfredo Molano, journaliste et sociologue poursuivi par le régime uribiste -parce qu’il dit ce qu'il voit, et qu’il dit tout haut ce que pensent tout bas des millions de Colombiens auxquels les médias sont inaccessibles. Il ne le dit pas dans un local clos, mais à ciel ouvert dans le Forum de la Solidarité de Moravia, quartier pauvre de Medellín construit sur une énorme montagne de déchets que les déplacés dus aux guerres successives ont transformé en une trame urbaine, périphérique et solide, basée sur un réseau de solidarité impressionnant.
Ce qui est nouveau, c’est l'ampleur, l'extension et la profondeur de la protestation, et surtout la confluence d'acteurs qui sont en train d’acculer le gouvernement d'Álvaro Uribe. Les grèves les plus mises en évidence par les médias sont celles du secteur public pour les salaires, ou de la branche judiciaire qui a amené le gouvernement à décréter l'état de "commotion intérieure"
[1]. Ont suivi ensuite les fonctionnaires du Registre national de l’État-Civil (Registraduría[2]), les enseignants, les camionneurs et autres employés publics qui voient leurs salaires décimés par l'augmentation incessante des prix. C’est, toutefois, la convergence d’en bas qui donne le plus d’insomnies à ceux qui sont au pouvoir...
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En Colombie, la mobilisation indigène avance, entre assassinats et atrocités
par Juan Alberto SÁNCHEZ MARÍN
La mobilisation massive en cours rassemblera quelque 30 000 indigènes qui, depuis la semaine dernière, ont été victimes d’assassinats et d’abus de la part des forces publiques. La marche focalise l’attention sur les accords trahis par le gouvernement et entend mettre un terme aux assassinats de dirigeants indigènes. La protestation, qui s’est déjà étendue à 16 des 32 départements, a été criminalisée par le gouvernement. Marlitt Pusecc, Conseillère du Conseil Régional Indigène du Cauca, a parlé sur la radio YVKE. Elle a alerté sur le risque d’un génocide.

En Colombie, comme dans le reste de l’Amérique Latine, les indigènes n’ont pas été seulement exclus, expropriés et brimés. Il ont surtout fait partie de l’oubli. Un oubli pratique et stratégique. Une absence de mémoire absolue et mal intentionnée qui permet que les indigènes n’existent pas pour le reste de la société.
Bien qu’ici, ils aient été les premiers, nous ne nous en souvenons pas. Même si pendant 516 ans nous les avons presque fait disparaître, l’histoire hier et les médias aujourd’hui l’expliquent et le justifient comme une chose naturelle, une mesure nécessaire face à des sauvages. Malgré que nous les ayons convertis à une foi infâme avec un ciel bouché, nous ne nous sommes pas rendu compte de l’enfer dans lequel nous les avons laissés. Bien qu’ils soient toujours ici et maintenant, marginalisés dans leurs réserves, nous ne les voyons pas, nous ne les entendons pas, ils ne comptent pas.
Dans d’autres parties de la région, beaucoup de peuples originaires ont élevé leur voix et se sont fait entendre. En Bolivie, un indigène préside aux destinées du pays, bien sûr au milieu de l’opposition la plus féroce. La Confédération des Nationalités Indigènes de l’Equateur, la CONAIE, est un exemple de résistance, et avec ses mobilisations massives elle a fait et défait plusieurs présidents.
Dans un pays où les voix dissidentes, différentes ou minoritaires sont rejetées à feu et à sang, les malheureux indigènes colombiens ont été les victimes de l’assassinat sélectif de leurs dirigeants, des massacres et de la violence des acteurs armés d’un conflit endémique qui sévit sur leurs territoires.

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