samedi 18 juillet 2009

HONDURAS : Ils étaient au courant et ils ont donné un petit coup de main

par Juan GELMAN, 16/7/2009. Traduit par Fausto Giudice, Tlaxcala
Original : Sabían y ayudaron un poquito



La Maison Blanche savait depuis des mois qu’un coup d’État se préparait au Honduras, mais aujourd’hui les porte-parole du Département d'Etat feignent une innocence surprise. L'actuel ambassadeur des USA à Tegucigalpa, Hugo Llorens, le sait très bien: le 12 Septembre 2008 , il est arrivé dans le pays, et neuf jours plus tard, le général aujourd’hui putschiste Romeo Vásquez déclarait à la station de radio HRN qu’on était venu lui demander de « virer le gouvernement du président Manuel Zelaya Rosales » (www.proceso.hn, 21-9-08). Il ajoutait : « Nous sommes une institution sérieuse et respectueuse, nous respectons donc M. le Président comme notre Commandant en chef et nous lui obéissons comme l’ordonne la loi. » Igualito Tout comme Pinochet avant de se soulever contre Salvador Allende. Toute ressemblance avec la réalité est à imputer à cette dernière.

Le 2 juin de cette année, Hillary Clinton est allée au Honduras pour participer à une réunion de l'OEA. Elle s’est entretenue avec Zelaya et lui a dit son désaccord avec le référendum que le président envisageait de mener en même temps que la prochaine élection présidentielle. Des fonctionnaires US ont indiqué qu’ils "ne pensaient pas que ce référendum soit constitutionnel " (The New York Times, 30-6-09). Six jours avant le coup, le journal La Prensa du Honduras a indiqué que l'ambassadeur Llorens a rencontré des politiciens influents et des dirigeants militaires « pour trouver une solution à la crise provoquée par le référendum » (www.laprensahn.com, 22-6-09 ). La "solution" trouvée est connue.

Il est difficile de supposer que les commandants militaires du Honduras, que le Pentagone a armés et formés à l'École des Amériques, qui a enseigné à de nombreux dictateurs d'Amérique latine comment s’y prendre, aient agi sans l'accord de leur mentor. En outre, les putschistes n’ont pas caché les raisons de leur acte : Zelaya était en train de trop se rapprocher de ce "communiste" de Chávez, le Vénézuélien le plus détesté par la Maison-Blanche : en juillet 2008, sous son mandat, le Honduras a adhéré à l'Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA), le nouvel «axe du mal» en Amérique latine. C’est trop, non?


Gervasio Umpiérrez,
Juventud Rebelde


Trop, oui, parce que le Honduras est un territoire stratégique pour le Pentagone, qui, à partir de la base de Soto Cano, où sont stationnés des effectifs de l'armée de l'air et de l'infanterie US, non seulement domine l'Amérique centrale, mais cette véritable enclave est fondamentale dans le schéma militaire US pour une région riche en ressources naturelles. Bien qu’il n’ait jamais touché aux intérêts des sociétés étrangères ou des maîtres locaux du pouvoir économique, Zelaya constituait un risque de "déstabilisation". Il convient de noter que le référendum sur l'opportunité ou non de convoquer une Assemblée constituante qui permettrait la réélection de Zelaya n'était pas contraignant. Personne n’a été gêné à Washington par la réforme constitutionnelle qui a permis en Colombie la réélection d' Álvaro Uribe, un grand allié des USA, qui n'a même pas été plébiscitée. Il ne faut mélanger les torchons et les serviettes.

Les putschistes honduriens sont ne sont pas présentables. Le Général Romero Vásquez Velasquez, démis par Zelaya, revenu pour faire un putsch en enlevant et en déportant le président, a été enfermé au pénitencier national en 1993 avec dix autres membres d'un gang accusé d'avoir volé 200 voitures de luxe (www. elheraldo.hn, 2-2-93). Il était alors major ; une fois général, c’est au vol d’un gouvernement élu dans les urnes qu’il se consacre. Un autre personnage tout aussi peu présentable est le ministre conseiller Billy Joya, qui ne fait pas honneur à son nom (ou peut-être que oui, c’est une question de point de vue) [joya=bijou en esp., NdT], a été chef de la division tactique du bataillon B3-16, l'escadron de la mort hondurien qui a torturé et fait «disparaître» de nombreuses personnes dans les années 80. « Le Licencié Arrazola » - l'un de ses surnoms -, est un expert en la matière : il a étudié les méthodes des dictatures au Chili et en Argentine (www.michelcollon.info, 7-7-09). Ses antécédents sont connus, et malgré cela – ou justement, à cause de cela -, il a été choisi pour faire partie du régime putschiste, tellement démocratique.

La répression continue au Honduras. Jeudi dernier a été arrêté le père d'Isis Murillo Obeid, 19 ans, tué par l'armée à l'aéroport de Tegucigalpa [le 5 juillet, NdT]: il avait eu idée saugrenue de réclamer publiquement justice pour son fils (www.wsws.org, 11 -7-09). Les sauveteurs de la démocratie ont expulsé les journalistes de l'Associated Press, fait disparaître des écrans la chaîne Canal 21 et des troupes armées ont occupé la chaîne Canal 36 (Miami Herald, 1-7-09). Il s'agit de la conception de la liberté de la presse qui caractérise les putschistes.


Liberté de la presse, Luiso, Artistas Gráficos contra el Golpe en Honduras © Luis María Ligarribay

La Maison Blanche réagit mollement à ce qu’elle a qualifié d’«acte illégal». Hillary refuse d'appeler cela un "coup d'Etat" parce que cela impliquerait automatiquement la fin de l'aide économique et militaire US au Honduras. Les pourparlers pour un règlement pacifique qui ont lieu au Costa Rica, où le président Oscar Arias fait office de médiateur à la demande d'Obama, sont une farce. Mais ils ont un aspect important : ils impliquent une reconnaissance officieuse du régime imposé par le putsch. Arias a déjà annoncé qu'il appellera "M. le Président" aussi bien le putschiste Micheletti que le président élu et destitué. Ça, c’est vraiment de l’impartialité.


Rolando Guerrero,
Juventud Rebelde

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