jeudi 30 décembre 2010

"S’ils nous considèrent Algériens, qu’ils nous donnent notre droit. Et s’ils ne nous considèrent pas comme tels, qu’ils nous disent de changer de pays" : nouvelles révoltes dans la ceinture de misère d’Alger

Omis par l’opération de relogement à Alger, Baraki et Oued Ouchayah s’embrasent

Par Hamid Mohandi, Le Courrier d’Algérie, 26/12/2010

Emeute à Baraki, sit-in à Oued Ouchayah et ébullition dans plusieurs quartiers et bidonvilles, suite aux opérations de relogement inscrites dans le cadre de la lutte contre l’habitat précaire.
La banlieue d’Alger s’embrase pour un logement.
Décidément, pour chaque opération de relogement inscrite dans le cadre de la lutte contre l’habitat précaire, des émeutes s’éclatent entre les forces de l’ordre et des citoyens qui s’estiment lésés de leur droit légal à un logement décent.
Lorsque les procédures règlementaires en vue de bénéficier d’un logement se heurtent à des blocages de tout bord, le recours à l’affrontement devient ainsi, pour ces citoyens, la seule alternative pour faire entendre leurs voix face à des responsables locaux qui ne manient de façon majestueuse que le langage des fausses promesses.
C’est d’ailleurs ce qui s’est passé, hier, au niveau du quartier d’El Baraka, à la daïra de Baraki, dans la banlieue d’Alger où une centaine de jeunes ont décidé d’entrer en affrontement avec les forces de l’ordre qui se sont dépêchées sur les lieux dès les premières heures afin d’étouffer une manifestation pacifique prévue par les citoyens pour décrier la gestion des responsables locaux en matière de relogement.
Perchés sur les toits ou dissimulés derrière les murettes de leurs habitations, si visiblement précaires, les manifestants ont usé de pierre, de bouteilles de verre et des pneus brûlés pour repousser les éléments de la police anti-émeutes qui répliquent difficilement et de la façon la plus prudente étant donné que l’affrontement s’est déroulé au coeur même de ce quartier.
Sur place, nous avons trouvé des femmes, des hommes âgés et des jeunes filles en ébullition mais aussi désespérés de voir de plus en plus leur vie basculer du mauvais au pire. Ils contemplaient de loin leurs enfants qui font face aux forces de l’ordre. Ces familles qui occupent les 160 foyers que compte ce quartier construit à l’époque coloniale, n’ont pas eu leur dose de bonheur durant toutes les opérations de relogement que la capitale a connu depuis le début de l’année en cours.
Elles revendiquent leur droit au logement à l’instar de leurs voisins à qui la première tranche du quota a été octroyée en 2008. Deux années se sont succédées et plusieurs opérations de relogement ont été effectuées et le nouveau toit tant espéré par cette population demeure toujours une désillusion, de l’encre sur papier, une promesse sans lendemain. Pourtant, les familles sont recensées et les dossiers ont été déposés depuis une belle lurette.
Dans le désarroi, ces familles s’estiment lésées et exclues de leur droit, et ce, au moment où des milliers de logements ont été distribués dans le cadre du programme de lutte contre l’habitat précaire de la wilaya d’Alger. « Nous, on nous rebat les oreilles que par de fausses promesses.
On ne peut pas patienter davantage. Si on se tait, personne ne prendra en charge nos requêtes. Nous avons décidé de tenir un sit-in et déléguer six personnes afin de discuter de notre situation avec le chef de daïra. Mais au lieu de voir ce responsable venir nous rassurer, il nous envoie les forces de l’ordre.
C’est lui qui a transformé notre action pacifique à une émeute. C’est lui qui nous a provoqué», nous affirmera un des citoyens. « Ici à Baraki, il n’y a pas de crise de logement, il ya une crise de gestion et une envolée de Tchipa (corruption)», ajoute une dame avant que les éléments de la police antiémeute ne foncent soudainement sur la foule qui nous a entouré. Plus de peur que de mal.
C’était juste pour disperser certains jeunes qui ne voulaient guère observer un répit. Il importe de signaler qu’au moment de l’affrontement, le wali délégué et le P/APS-c de la commune de Baraki sont curieusement absents. Ils ont déserté leurs bureaux pour fuir leurs responsabilités, estime un des citoyens de cette localité d’Alger.
La colère et la perplexité minent de plus en plus l’esprit des occupants du quartier les Palmiers de Oued Ouchayah. Après avoir procédé, samedi soir, à la fermeture du tunnel en guise de protestation contre l’exclusion et les inégalités en matière de relogement dont sont victimes, plusieurs citoyens ont observé un sit-in dans l’intention de soulever leurs problèmes avec le wali d’Alger, devant l’oeil vigilant de la brigade anti-émeute dépêchée sur place.
Si l’affrontement avec les forces de l’ordre a cessé, la colère reste immuable sur les visages des 600 familles occupant le quartier. Les citoyens disent qu’ils sont indubitablement prioritaires pour être relogés.
Ils occupent des baraques et ils vivent dans la plus ignoble des misères. Ils sont considérablement frustrés de ne pas être parmi les bénéficiaires, alors que d’autres quartiers moins affectés et moins détériorés ont vu leurs rêves exaucés.
Ils tentent vaille que vaille de trouver une éventuelle sortie de crise, pourvu qu’ils quittent ce qu’ils appellent la « jungle ». « On vit au milieu des rats et des serpents. On est constamment confronté au risque de l’effondrement du tunnel. Les conditions sont inimaginablement invivables », affirme-t-on sur les lieux.
« S’ils nous considèrent Algériens qu’ils nous donnent notre droit. Et s’ils ne nous considèrent pas comme tels qu’ils nous disent de changer de pays », s’écria un des pères de famille. Selon lui, c’est le wali délégué d’El Harrach qui jette de l’huile sur le feu, en leur déclarant que leur situation lui importe peu.
Au moment où nous mettons ce  papier sous presse, les choses se sont terminées comme elles avaient commencé. Il n’y rien de joyeux à l’horizon. La patience résistera-t-telle devant la négligence ?

Des manifestations ont éclaté à Diar Echems, à Oued Ouchayah et à Baraki Relogement sur fond,d’émeutes à Alger

Par Le Financier, 26/162/2010
Des émeutes ont éclaté dans les quartiers, pourtant inscrits dans le programme des 10 000 familles à recaser, et qui devraient attendre, présentement, une hypothétique seconde opération de relogement.
Premiers à sortir dans la rue : les habitants de la cité des Palmiers, dans la commune de Bachdjarah. Ces derniers ont procédé, dans la journée de samedi, à la fermeture du tunnel de Oued Ouchayah, bloquant la circulation des heures durant, dans les deux sens. Des affrontements ont eu lieu avec les forces de sécurité.
Le wali délégué a dû se réunir jusque tard dans la nuit de samedi à dimanche avec les délégués du quartier afin de les rassurer, qu’ils n’ont pas été oubliés et que leur tour viendra. Mais le sentiment général, au quartier des Palmiers, c’est que “l’État veut gagner du temps ; nous berner encore une fois”. En fait, ce quartier a été concerné par le passé par une opération de relogement qui avait touché pratiquement la plupart des habitants, suite aux travaux du creusement du tunnel de Oued Ouchayah qui avaient sérieusement endommagé les bâtisses. Deux immeubles, cependant, avaient été laissés pour plus tard.
Ce plus tard qui dure depuis plus d’une décennie. Entre-temps, l’ex-gouvernorat d’Alger a eu l’ingénieuse idée de recaser, dans les immeubles déserts, les anciens habitants des centres de transit, rendant la gestion de la cité des plus kafkaïennes. Hier, les forces de l’ordre étaient présentes en grand nombre, devant le tunnel de Oued Ouchayah, pour parer à toute reprise du blocage de cet important axe routier. À Diar Echems, la seconde opération de recasement a fait, comme prévu, des mécontents, qui ont exprimé leur colère hier matin, au moment du début de l’opération.
Mais c’est à Baraki, dans le quartier Diar El-Baraka, que la situation a dégénéré, hier. Les affrontements ont opposé les habitants aux forces de l’ordre. Les routes menant de Baraki à Sidi-Moussa et de Baraki à Larbâa ont été fermées à la circulation. Les habitants de Diar El-Baraka protestent contre le fait qu’ils ne soient pas inclus dans la liste des personnes à recaser en cette fin d’année. Il y a lieu de noter que les policiers ont reçu l’ordre de ne pas faire usage de bombes lacrymogènes et d’éviter d’envenimer la situation.
La tension vécue par le quartier Diar El-Baraka a été exploitée par l’ex-“émir” du GIA, Abdelhak Layada, habitant Baraki, qui a voulu s’immiscer dans les pourparlers engagés par le wali délégué et les représentants des habitants. Une immixtion qui rappelle bien de mauvais souvenirs vécus par le pays et dont les responsables, à tous les niveaux, ne semblent pas en avoir pris la véritable mesure. Au-delà du fait de savoir qui a bénéficié et qui n’a pas bénéficié de l’opération de relogement de 10 000 familles algéroises, et quels quartiers ont le plus bénéficié de l’attention des responsables chargés de l’opération, par rapport à d’autres quartiers, la question est de savoir : comment ont-ils pu arrêter le chiffre de 10 000 familles à reloger ? Et pourquoi, à la fin de l’opération, on se rend compte que des milliers d’autres familles, pourtant inscrites dans le programme, doivent-elles encore attendre ? Qui est prioritaire ? Celui qui attend depuis plus de 40 ans, ou celui qui a acheté une baraque il y a quelques mois, avec l’assurance d’être relogé dans les tout prochains jours ? Car, ce n’est pas tant le nombre de logements sociaux à distribuer qui pose problème, c’est la poursuite de la politique de l’autruche.
Des opérations de “débidonvillisation” ont été entamées depuis l’époque de Chadli Bendjedid. Au lieu de constituer une solution à un problème, elles se sont transformées, au fil des ans, en une manne inespérée pour les responsables locaux et tous les vautours spécialisés dans le “trafic de la misère”. Du coup, le maintien des poches de misère constitue, pour les responsables locaux, une manne qu’ils utilisent à des fins personnelles.
On a encouragé l’édification de bidonvilles dans la capitale, on a fermé l’œil sur les constructions illicites, sur les toits d’immeubles, parfois sur des projets d’utilité publique. Cette fuite en avant n’a que trop duré et cela tant que l’État algérien reste incapable d’imposer la loi à tout le monde.
La crise des bidonvilles et des habitations menaçant ruine ne fait que commencer et les charlatans ne rêvent que de voir des émeutes éclater partout, pour ressurgir.

Les émeutes se poursuivent à Alger !
par Abderrahmane Semmar, El Watan, 28/12/2010

Décidément, les émeutes sont en train de transformer Alger en un brasier ardent. Mardi matin, des centaines de jeunes de Baraki ont encore une fois manifesté leur colère en bloquant la route qui mène vers Sidi Moussa. La veille, durant la nuit du lundi, les habitants de "Laquiba" ont pris d'assaut la rue pour demander leur droit au relogement. 

Les jeunes de Baraki sont sortis mardi, une nouvelle fois, dans la rue pour réclamer leur droit à un logement décent.  Et tôt le matin, ils ont procédé à la fermeture de la route qui mène vers Sidi Moussa pour dire tout haut que les promesses des autorités publiques ne suffisent plus à les calmer.
Ces jeunes dont les familles occupent des taudis à Baraki ont pris leur mal en patience depuis des années. Et cette fois-ci, la misère et la galère ont fini par avoir raison de leur sang-froid. Le flou et les anomalies qui ont entouré les récentes opérations de relogement à Alger ont été également cette goutte d'eau qui a déversé définitivement le vase de la révolte.
Une révolte qui commence à toucher d'autres quartiers pauvres où la promiscuité et l'exiguïté des logements précaires tourmentent des familles entières. Pour preuve, tout au long de la nuit du lundi, des troubles ont éclaté à "Laquiba", la commune de Belouizdad, et à Rouiba au niveau des chalets de Drâa El-Guendoul.
Des centaines de familles occupent ces chalets depuis 2003 et évoluent dans des conditions de vie déplorables. Lundi soir, ils sont descendus, eux-aussi, dans la rue pour dire qu'ils ont ras-le-bol de cette "vie de misère". A "Laquiba", un autre quartier sinistre de la capitale, la situation est aussi très tendue.
Les promesses du relogement datent de plusieurs années et jusqu'à aujourd'hui, l'humidité et le froid continuent à ronger les murs délabrés des vieilles maisons lesquelles menacent de tomber en ruine à chaque intempérie.
 Pour faire face à ce vent de révolte et à cette énième crise sociale, les autorités publiques ont promis de distribuer encore plus de logements en 2011. Mais jusque là, les forces de l'ordre ont été les premiers à se mobiliser pour contenir la colère populaire. Les affrontements sont d'une rare violence et à chaque fois des blessés sont à déplorer.
Source : http://www.elwatan.com/une/les-emeutes-se-poursuivent-a-alger-28-12-2010-104866_108.php

29 émeutiers de Baraki et Oued-Ouchayah devant le juge

Par Irane Belkhedim,  Le Soir d’Algérie, 30/12/2010
29 jeunes émeutiers, dont 7 mineurs, ont été arrêtés lors des protestations citoyennes survenues au cours de cette semaine dans les quartiers de Baraki et de Oued-Ouchayah (cité les Palmiers). Accusés d’atteinte à l’ordre public, ils seront présentés à la justice.
– «52 policiers ont été blessés légèrement lors des émeutes, et l’on a enregistré un seul blessé parmi les citoyens. Un policier a été grièvement blessé et est encore sous surveillance médicale», a indiqué hier Samir Khaoua, commissaire principal chargé de la communication à la Sûreté de wilaya d’Alger, lors d’une conférence de presse animée au commissariat central, sur le bilan des récentes descentes policières menées à l’est d’Alger. Des sorties sur terrain ont été organisées à Dar-El- Beïda et à Rouiba et pour ce faire, 2000 policiers ont été mobilisés. 3 117 citoyens et 3 156 véhicules ont été contrôlés. L’opération s’est soldée par l’interpellation de 35 personnes et 82 contraventions infligées à des automobilistes.
«Par ces opérations, nous visons la sécurisation des Algérois», a expliqué Samir Khaoua, précisant que d’autres sorties seront opérées dans différents quartiers algérois. Il a même invité les journalistes à y assister. Des enquêtes récentes menées par les équipes de la police judiciaire ont permis de mettre fin à l’activité d’un réseau de falsification de documents administratifs à la mairie de Baraki. «Une trentaine de citoyens en ont été victimes. Les trois auteurs, qui sont en détention préventive, proposaient des documents contre 2 000 à 20 000 DA. Le fonctionnaire de la mairie de Baraki utilisait son handicap pour passer inaperçu devant les agents de sécurité», a affirmé Youcef Boutaouine, commissaire principal et chef divisionnaire de la police Est. Un second réseau composé de huit personnes, spécialisé dans les agressions et les vols à main armée (armes à feu et armes blanches), activant entre Alger et Tizi-Ouzou, a été démantelé.
«Nous avons récupéré trois voitures et 14 millions de dinars», a ajouté Youcef Boutaouine. En outre, la police judiciaire d’Alger- Centre a arrêté six personnes, deux Algériens et quatre Africains, pour trafic illicite de drogues et de stupéfiants. «Les ressortissants africains étaient en situation irrégulière. Généralement, ces Africains sont rusés, ils ne révèlent jamais leur véritable identité (sic !!!) », a déclaré Tarek Keskas, commissaire de police et chef divisionnaire de la police Centre.


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