mardi 4 janvier 2011

Les émeutes en Tunisie, un parfum d’octobre 88

par Habib Kharroubi, Le Quotidien d'Oran, 2/1/2011
Dans le Maghreb, l’Algérie n’est plus le seul pays où le mécontentement social s’exprime par l’émeute populaire. La Tunisie est maintenant elle aussi le théâtre de débordements de cette nature. Ce pays voisin est secoué ces derniers jours par des troubles de cette nature dont l’effet déclencheur a été la tentative de suicide d’un jeune vendeur ambulant de fruits et légumes dans la région de Sidi Bouzid (centre-ouest). Partie de cette région, l’émeute a fait boule de neige jusqu’à atteindre la capitale, prenant de court un régime et un pouvoir trahis par leur confiance dans la crainte dissuasive que leur appareil répressif inspire aux citoyens.
Les événements que vit la Tunisie ne sont pas pour rappeler, toute comparaison mécanique gardée, ceux que l’Algérie a connus en octobre 88. En Tunisie comme chez nous, ils ont permis de dévoiler le ras-le-bol qu’a atteint la patience populaire face à l’autoritarisme du régime de Ben Ali. Ils ont surtout démontré la fausseté de l’image d’une Tunisie ayant pris son parti de cet autoritarisme au motif de son bilan économique et social positif. Partout les manifestants ont décrié la situation économique et sociale générée par le pseudo «miracle» qui aurait fait de la Tunisie «un pays émergent». L’on a ainsi découvert que si le nord du pays offre effectivement l’aspect d’une région en mutation positive grâce à la manne touristique et à des investissements industriels encourageants, le reste du pays, tout le reste n’a pas été concerné par ce «miracle tunisien» si vanté par les thuriféraires nationaux et étrangers du régime de Ben Ali. Sous-développement, chômage et mal-vie sont la triste réalité aussi bien en Tunisie que dans les pays voisins. Sur ce terreau qu’enrichissent les fléaux que sont la corruption, le déni de citoyenneté, la hogra et les atteintes aux droits de l’homme, il était fatal que la «marmite» explose dans ce pays aussi.
De spontanée qu’elle fut suite à la tentative de suicide du jeune vendeur de fruits et légumes de Sidi Bouzid (qui est, précisons-le, un universitaire en chômage), l’explosion populaire de protestation semble s’installer dans la durée.
Le discours prononcé par Zine El Abidine Ben Ali suite à cette explosion, le mini-remaniement gouvernemental auquel il a procédé ainsi que le limogeage dont ont fait l’objet le gouverneur de la région de Sidi Bouzid et deux autres de ses collègues, n’ont pas éteint le «volcan». C’est que contrairement à ce qui s’était produit en Algérie en octobre 88, la jeunesse tunisienne, fer de lance de la contestation en cours, a bénéficié de l’appui actif des adultes, de la société civile et des parties et organisations qui la structurent. Ce qui s’est mis en marche en Tunisie n’est pas de ce fait un feu de paille que la répression policière va étouffer.
Toute la question est de savoir si le pouvoir sclérosé dont Ben Ali est le chef, va savoir apporter les bonnes réponses aux revendications qu’expriment ses contestataires. Ou si nihiliste il va persister dans la voie qui a conduit à l’explosion. Dans ce cas, il est à craindre pour la Tunisie voisine l’enfoncement dans le même engrenage que celui qui s’était mis en marche en Algérie après les émeutes d’octobre 88 déclenché par les «réformes» inappropriées instaurées par le pouvoir d’alors en guise de solutions aux revendications qui s’exprimaient dans la société algérienne. Apparemment, Ben Ali est tenté par la politique de «l’autruche» puisqu’il ne semble voir dans les émeutes que «la main de l’étranger et des ennemis de la Tunisie».

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