vendredi 25 mars 2011

Contre-révolution US dans le monde arabe


Par Atlasaltern, 23/3/2011
Tunisie : Le département d'État étatsunien annonce qu'il donnera 20 millions de dollars dans le cadre du programme "Middle East Partnership Initiative" créé par George W. Bush pour former et encadrer des ONG pro-occidentales en Tunisie. Cette aide représentera un tiers du budget total de ce programme destiné à 17 pays, et constitue le double de l'aide bilatérale versée cette année au gouvernement tunisien. L'Union européenne versera pour sa part 23 millions de dollars au titre du "renforcement de la démocratie" dans ce pays.

Égypte : Les États-Unis ont débloqué 150 millions de dollars d'aide à l'Égypte le mois dernier. Le 2 février le sénateur républicain Kirk de l'Illinois a dénoncé le Parti des frères musulmans comme une menace pour les intérêts nationaux des États-Unis et appelé à ce que Washington appuie les "partis nationalistes laïques". Dans un contexte où les fonds publics se font rares, un consensus existe pour maintenir l'aide de 3 milliards de dollars par an à Israël, mais des voix s'élèvent pour la diminuer aux pays arabes alliés. Concernant l'Egypte, la présidente républicaine de la commission des affaires étrangères de la chambre des représentants,Ileana Ros-Lehtinen (une américanocubaine ardemment anticastriste) a suggéré de couper toute aide à l'Egypte pour la prochaine année budgétaire si les Frères musulmans venaient à siéger au gouvernement. Le représentant démocrate proche de l'American Israel Public Affairs Committee Howard Berman continue lui de prôner un soutien financier aux partis égyptiens "modérés", et uen augmentation des crédits aux structures étatsuniennes comme le National Democratic Institute, l' International Republican Institute, le National Endowment for Democracy et le Bureau de la Démocratie, des droits de l'homme et du travail qui ont des programmes spécifiques sur l'Égypte.
Le 19 mars les Égyptiens ont approuvé par référendum un changement limité de la constitution (approuvé par le parti national démocratique et les Frères musulmans mais critiqué par les autres formations, notamment des organisations de masse qui ont pris une part active dans l'occupation de la place Tahrir) qui facilite les candidatures indépendantes aux élections et diminue le rôle des juridictions d'exception sans remettre en cause les pouvoirs du président. Mme Clinton était au Caire le 16 mars. Beaucoup accusent Washington de vouloir mettre en place un système manichéen où le peuple n'aurait d'autre choix que de voter pour des mouvements issus du Parti de Moubarak pour éviter le "péril islamiste".

Libye : Les forces occidentales sous la direction de l'Africom étatsunien basé à Stuttgart sont passées à l'action contre l'armée du colonel Kadhafi (et contre des civils à Tripoli). Des avions de combat du Qatar et des Émirats arabes unis vont participer à la mie en place de la "zone d'exclusion aérienne", alors que ni l'Égypte ni la Tunisie ne participent à cette opération , ce qui, comme le note le contributeur de l'Atlas alternatif Vijay Prashad, est un signe que cette guerre est désormais entre les mains des forces les plus conservatrices. Le Conseil national intérimaire basé à Benghazi, et devenu gouvernement par interim libyen dirigé par Mahmoud Jibril, était en contact avec le MI6 britannique depuis le début du mois de mars. Jibril, ancien ministre de la planification de Kadhafi, était selon un cable diplomatique de 2009 déjà identifié depuis longtemps par Washington comme un interlocuteur utile et s'était déclaré très favorable à une ouverture rapide de l'économie libyenne aux intérêts étatsuniens. Initialement hostile à une ingérence militaire occidentale, cette structure désormais armée par la CIA s'est laissée convaincre d'appeler les Etats-Unis et leurs alliés à instaurer une zone d'exclusion aérienne dans leur pays.Quels que soient les objectifs des Occidentaux (renversement de Kadhafi ou partition de la Libye), le "gouvernement" de Benghazi semble éloigné de l'élan initial qui inspirait la révolution libyenne.

Bahrein : Le 4 mars, les monarchies du Conseil de coopération du Golfe ont donné leur accord pour l’activation du « Bouclier de la péninsule », une force d’intervention commune instaurée depuis longtemps pour contenir la possible expansion de la Révolution khomeiniste. Le soir même, 1 000 soldats saoudiens et 500 policiers émiratis sont entrés à Bahreïn. Le 22 mars une force maritime koweïtienne est arrivée à Bahreïn pour se joindre à cette force. Comme en Libye le bilan humain de la répression de l'élan révolutionnaire ne fait l'objet que de spéculations et n'a pas pu être vérifié par une commission indépendante. Le 17 mars, la Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Navi Pillay s'est indignée de la prise de contrôle des hôpitaux par la police et de la répression violente qui y a été exercée. Les gouvernements occidentaux ont gardé un silence complice sur ce thème.

Yémen : Dans ce pays où l'opposition au président Ali Abdullah Saleh n'est pas unie, Washington appelle au dialogue (et non au départ du président qui est leur allié). Des dizaines de manifestants ont été tués à Sanaa le 18 mars dernier après avoir été délibérément visés à la tête. Le 11 mars le propos d'un opposant, Riadh Hussein al-Qadhi, accusant les services secrets saoudiens de contribuer à la répression à Sanaa a été repris par divers médias sur Internet, mais on ignore qui est cet opposant dont le nom ne figure par ailleurs dans aucun autre article relatif à la révolution yéménite. En tout cas ces derniers jours aussi bien la télévision saoudienne que le responsable de la commission des affaires étrangères de l'assemblée consultative à Riyad ont pris parti désormais pour le départ du président Saleh. Les monarchies du golfe qui depuis quelques semaines jouent un rôle de médiation au Yémen pourraient favoriser la mise en place d'un nouveau régime à la fois conforme aux attentes des tribus et favorable au maintien des intérêts occidentaux dans la zone.

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