mercredi 29 juin 2011

ΧΡΕΟΚΡΑΤΙΑ DEBTOCRACY DETTOCRATIE DEUDOCRACIE DEBITOCRAZIA BORÇKRASI

Eνα ντοκιμαντέρ για την κρίση
A Greek documentary on the crisis
Un documentaire grec sur la crise
Un documental griego sobre la crisis
Un documentario greco sulla crisi
Kriz Üzerine Bir Yunan Belgeseli

Pour la première fois en Grèce, un film produit par le public.   “Debtocracy”  dévoile les causes réelles de la crise de la dette grecque et propose des solutions, sur lesquelles le gouvernement et les médias dominants gardent le silence.

  



Réalisation/Scénario Katerina Kitidi   Aris Chatzistefanou
Recherche scientifique     Leonidas Vatikiotis
Animation     Magda Plevraki
Sokratis Galiatsakos
Musique Giannis Agelakas  Ermis Georgiadis Aris RSN
Montage Aris Triantafillou
Caméra     Aris Papastefanou  Julia Reinecke
Colorisation     Thanos Tsantas
Relations publiques     Michalis Alimanis
Contributeurs     Aggeliki Gaidatzi  Fani Gaidatzi
Ioulia Kileri Margarita Tsomou
Production     Costas Efimeros 2011 - BitsnBytes.gr
Une interview du journaliste Aris Hatzistefanou, à l'origine du film Debtocracy, le documentaire subversif sur la crise financière qui secoue la Grèce
par Stanislas Jourdan", owni.eu, 9 juin 2011

Né à Athènes, Aris Hatzistefanou, 34 ans, est un journaliste à toute  épreuve depuis ses plus jeunes années. Journaliste en Palestine, puis à  Londres pour la BBC, son émission de radio “infowar” sur la station  grecque Sky Radio, très écoutée, fut arrêtée quelques jours seulement avant la publication du documentaire Debtocracy, dont le   message est à contre-courant de la pensée dominante.

Ce projet a attiré l’attention de plus d’un million de  personnes en  Grèce, et a popularisé une campagne nationale demandant une  commission  d’audit de la dette publique du pays. OWNI s’est entretenu avec l’homme  derrière ce subversif documentaire qui secoue l’opinion  grecque, dans  une période très difficile pour le pays.

Quelle est l’histoire de Debtocracy ?

L’idée nous est venue après une émission sur Sky Radio sur  la manière dont le président équatorien avait géré la dette colossale du  pays : il mis en place une commission chargée d’auditer la dette  souveraine du pays, et arriva à la conclusion que d’autres pays étaient  en train d’utiliser l’Équateur comme un “esclave”, tout comme  l’Argentine et d’autres pays avant lui. Par conséquent, le gouvernement  équatorien força les créanciers à subir un « haircut » [des pertes,  ndlr] de 70%.

Dans le même temps, en Grèce, des gens étaient en train de lancer une  initiative similaire, et recherchaient du soutien pour cela. Du coup,  mon émission sur Sky Radio entrait en écho avec leur discours. Et beaucoup de gens semblaient se demander si nous pouvions faire la même chose en Grèce.

Katerina Kitidi (éditrice en chef de TV XS) et moi nous  sommes alors décidés à produire ce documentaire. Mais nous n’avions pas  d’argent, et ne voulions surtout pas demander des financements auprès  d’un quelconque parti politique, syndicat, entreprise, ou pire, une  banque. Nous avons alors eu l’idée de demander aux gens de nous aider en  lançant une campagne de crowdfunding.

Et cela a très bien marché ! Nous avons récolté 8.000 euros en  seulement dix jours, ce qui est pas mal du tout en Grèce, surtout dans  le contexte actuel.

Au début, ce projet était censé n’être qu’une vidéo de plus sur  YouTube ! Mais comme beaucoup de gens nous ont proposé leur aide (des  professionnels de l’audiovisuel notamment), et que beaucoup de gens nous  ont aidés financièrement, nous avons pu réaliser un véritable  documentaire. À un moment, nous avions même tellement de dons que nous  avons décidé d’investir dans la promotion du film, ce qui n’était pas  prévu.

Alors que ce projet avait été initié par deux personnes, environ quarante personnes ont contribué au final.


Aris Hatzistefanou & Katerina Kitidi

Comment le film a été reçu en Grèce ?

Nous avons eu plus d’un demi-million de vues en moins d’une semaine,  et nous sommes aujourd’hui à plus d’un million. Mais en dépit de ce  succès, les média grecs n’en touchèrent pas un mot au début. Puis, quand  ils ont vu le succès du film, ils ne pouvaient plus faire comme si nous  n’existions pas. Il sont alors commencé à nous critiquer et à tenter de  nous décrédibiliser. Jusqu’à présent, aucune chaine de télévision n’a  parlé de nous, même négativement.

En fait, le jour où ils le feront, c’est que nous aurons gagné.

Quel est le message que vous voulez faire passer avec ce documentaire ?

Nous défendons le point de vue que la situation actuelle n’est qu’une  partie d’un problème bien plus global, notamment lié au problème de  l’euro. Parce que l’euro est divisé entre son cœur et la périphérie,  nous sommes condamnés à souffrir de pertes de compétitivité face à  l’économie mondiale, car nous ne pouvons pas dévaluer notre monnaie.

Je ne nie pas que nous avons notre propre part de responsabilité. Le  problème de la Grèce est que notre fiscalité ne s’est pas adapté au  modèle d’État-providence que  nous avons mis en place : les entreprises  ne sont pas assez taxées, les déficits ne sont donc pas contrôlés. Nous  avons aussi un grave problème de corruption, mais cela reste un détail :  nous pourrions mettre tous les politiques en prison, mais qu’est-ce que  cela changerait ?

Bref, ce qui se passe actuellement ne peut pas être totalement de la faute des “PIIGS”, comme ils nous appellent.

Nous disons aussi que le modèle allemand n’est pas un modèle à  suivre. Ils ont simplement gelé les salaires depuis dix ans ! Ce n’est  pas soutenable pour l’ensemble de l’Europe !

Certains disent que votre point de vue n’est pas impartial. Que leur répondez-vous ?

Tout d’abord, nous n’avons jamais prétendu être mesurés. C’est même  plutôt l’inverse, puisque nous pensons que nos contradicteurs ont  largement eu le temps et l’espace médiatique pour faire valoir leur  position. D’ailleurs, leur position n’est pas vraiment équilibrée non  plus…

Certains critiquent aussi le fait que l’Équateur n’est pas un bon  exemple, car c’est un pays en voie de développement qui a du pétrole.  Mais le pétrole ne représente que 25% du PIB de l’Équateur, et nous,  nous avons nous aussi en Grèce notre propre pétrole : le tourisme.

Après, on aurait pu prendre n’importe quel autre pays comme exemple, il y aurait toujours des gens pour dire que « comparaison n’est pas raison »,  même si le contexte est tout de même similaire, avec une spirale  d’endettement et l’intervention du FMI. Mais au final, ils essaient  juste de faire dériver la conversation afin de ne pas répondre au  principal sujet de ce film : la nécessité de créer une commission  d’audit de la dette.

À votre avis, que devrait faire la Grèce aujourd’hui ?

C’est clair que la Grèce ne peut repayer sa dette, que celle-ci soit  légale ou pas, et quel que soit son montant et son taux d’intérêt. Plus  de 350 milliards de dettes, c’est déjà trop. Très ironiquement, les  marchés semblent plus lucides que le gouvernement, qui continue de dire  que l’on peut trouver l’argent. Mais les marchés ne sont pas stupides.  Les plans de sauvetage n’ont en vérité qu’un seul objectif : sauver les banques françaises et allemandes, qui tomberaient si la Grèce faisait banqueroute.

Donc, de notre point de vue, nous ne devrions rien attendre des  décideurs européens. Si nous attendons, il sera trop tard pour prendre  les mesures nécessaires. Nous devons donc trouver nous même des  solutions, et lancer des initiatives.

Une fois que cela est dit, la première chose que nous devons faire et  de mener un audit de la dette grecque, de manière à discerner la dette  légale de celle qui ne l’est pas. Un certain nombre d’indices tendent à  montrer qu’une grande partie de la dette est odieuse, voire illégale.  Mais seule une commission d’audit saurait le démontrer. C’est pourquoi  nous soutenons complètement cette initiative, même si nous soulignons  l’importance que cette commission soit menée de manière transparente et  démocratique. Pas par les parlementaires.

Après, nous sommes plus radicaux que d’autres dans nos propositions  car nous pensons que nous devrions stopper le remboursement de la dette,  quitter l’euro, et nationaliser le secteur bancaire. Ce n’est pas  quelque chose de facile à défendre, car cela parait très radical, mais  même certains économistes et hommes politiques commencent aussi à  étudier ces options.

Nationaliser les banques peut sembler être une proposition  communiste, mais j’y vois plutôt du pragmatisme : il faut protéger le  pays d’une éventuelle fuite des capitaux vers l’étranger, dans le cas où  nous quittons l’euro.

Avez-vous des liens avec d’autres initiatives de ce type en Europe ?

Nous avons été contactés par de nombreux groupes, notamment pour que  nous traduisions le documentaire. Ce qui est désormais chose faite. Mais  nous ne collaborons pas vraiment avec eux en tant que tel, nous leur  permettons simplement de réutiliser notre travail, qui est sous licence  Creative Commons.


Comment voyez-vous l’avenir de la Grèce ?

L’année dernière, il y a eu plusieurs soulèvements  contre le plan de sauvetage du pays, mais les citoyens sont très  découragés depuis. Pendant les dix dernières années, l’opposition n’a  jamais rien proposé qui puisse rassembler l’opinion publique. Certains  pensent que les grecs se font une raison, mais je sens que l’indignation  est toujours bien là, sous nos pieds. Elle n’attend qu’un nouveau  prétexte pour être ravivée.

Il est intéressant de noter qu’aucun parti politique n’a le contrôle  des mouvements de protestation, et que personne ne guide ce mouvement.  Je redoute donc que la situation ne s’enflamme de nouveau, d’une manière  violente. Mais il est impossible de prévoir quand et pourquoi.1

Quelle est la suite pour Debtocracy ?

Grâce à toutes les personnes qui nous ont soutenus, nous avons  collecté plus d’argent que nécessaire pour la production du film. Nous  avons donc décidé de créer un compte spécial pour que les gens déposent  leurs dons. Si nous n’utilisons finalement pas cet argent pour un  nouveau projet dans les six mois, les donateurs seront remboursés.

Franchement, nous ne nous attendions pas à un tel succès avec si peu  de moyens. Ce n’était pas facile, mais nous nous sommes prouvé que nous  pouvions faire de grande choses avec peu de ressources, surtout quand  vous êtes entourés de personnes talentueuses.

Internet nous a beaucoup aidés, mais nous voyons aussi les limites de  l’outil. Nous devons aujourd’hui aller à la rencontre de ceux qui ne  sont pas forcément sur Internet, notamment à l’extérieur d’Athènes. Si  nous n’étions que sur Internet, notre approche resterait trop  élitiste. C’est pourquoi nous envisageons de distribuer des DVD et  d’organiser des projections dans des théâtres ou des cinémas.

Nous voulons vraiment aller plus loin, faire face aux tabous des médias mainstream  grecs. Aujourd’hui, si les gens ne participent pas eux-mêmes à la  production de  l’information, il n’y aura jamais aucune entreprise de  média prête à  leur donner la parole.
      

  1.    
    Depuis, le mouvement des « indignés » espagnols a aussi gagné le pays, rassemblant depuis le 25 mai des manifestants par dizaines de milliers à Athènes. []
Federica Cocco et; Stefanie Chernow ont collaboré à cette interview
Crédit photos : Debtocracy
 

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