mercredi 31 août 2011

La Flottille de la Liberté, sans prendre la mer, a porté au blocus de Gaza un coup qui conduira à sa désagrégation - Réflexions sur l’avenir des mouvements de solidarité

Traduit par  Najib Aloui 
 
Amir Makhoul a écrit ce texte le 5 juillet 2011, dans la prison militaire israélienne de Gilboa, où il purge une peine de 9 ans de prison.
Menée à une époque de mondialisation de la terreur d’Etat, l’entreprise officielle et internationale de sabotage de la Flottille de la Liberté constitue un moment- clef dans l’histoire du mouvement populaire mondial et de la solidarité entre les peuples. Cette action met à jour l’inquiétante étendue de la coopération et de la coordination que pratique un système répressif international engageant gouvernements, services de renseignements et unités opérationnelles de l’armée. Nous avons là affaire à un véritable cartel de la terreur officielle mis en place par les détenteurs du monopole de la répression- Etats et organisations internationale s- dans le but d’étouffer les mouvements pacifiques de solidarité avec le peuple palestinien qui émergent un peu partout dans le monde afin de mettre fin au blocus de Gaza.
Nul doute que ces Etats partagent avec Israël ce crime commis contre le peuple palestinien et ses droits ainsi que contre les personnes qui lui sont solidaires. Mais en dépit de ces développements, une donnée essentielle émerge : alors même que se déployait sur les plans militaire, judiciaire et ouvertement terroriste l’opération de sabotage visant à empêcher les navires de prendre la mer, au début de juillet 2011, Gaza l’assiégée incontestablement gagnait en liberté. C’est le sentiment qui prévaut parmi nous, nous les combattants de la liberté détenus dans les prisons israéliennes, le sentiment que, grâce à Flottille et à la dynamique qu’elle a suscitée, la liberté est plus proche que jamais.
Ce qu’il faut retenir ici est l’influence et la force du mouvement populaire mondial de solidarité avec le peuple palestinien, en particulier le mouvement « Free Gaza » pour briser le blocus. C’est grâce à cette influence et à cette force toujours grandissantes qu’apparaît maintenant le visage véritable de ces Etats et régimes complices du terrorisme israélien. Que ces Etats et régimes soient désormais contraints de déployer au grand jour leur arsenal guerrier et répressif contre les mouvements solidaires du peuple palestinien est signe clair que le blocus de Gaza est plus fortement secoué que jamais depuis sa mise en place.
Nous devons noter que les parties- Etats et régimes, sans oublier le Secrétaire Général de l’ONU lui-même ! - qui ont exprimé leur hostilité à l’égard de la Flottille de la Liberté sont ceux-là mêmes qui ont condamné les mouvements de masse des réfugiés lors de la commémoration de la Nakba, le 15 mai 2011, et de la Naksa, le 5 juin. Ces réfugiés qui manifestaient la volonté de retourner dans leur patrie - leur droit inaliénable et internationalement reconnu- ont été accusés par ces parties de provocation à l’égard d’Israël, ce régime fondé sur la conquête militaire, l’exode forcé et la purification ethnique ! Mais dans tout cela, ce qui apparaît nettement est l’aggravation, à un niveau jamais égalé auparavant, de la crise d’Israël, crise dont la lame de fond n’est autre que la question- qui ne cesse de prendre de l’ampleur au sein du mouvement populaire mondial- de la légitimité même d’Israël en tant que régime colonialiste et raciste.
Une évolution importante marque le présent élan de solidarité populaire mondiale avec le peuple palestinien et pour la consolidation du droit palestinien, c’est que désormais, de nombreux militants sont prêts à payer un prix très élevé pour leur engagement et à affronter les dangers que comporte l’affrontement avec Israël et ses complices parmi les Etats et régimes. Malgré ces dangers, cet élan populaire international ne cesse de s’étendre et de gagner en détermination, acculant Israël et lui arrachant chaque jour un lambeau de la légitimité dont il se pare.
Cette solidarité, digne de la plus haute estime, est mouvement des peuples, mouvements populaires de toutes les parties du monde qui considèrent que dans le combat inégal entre l’oppresseur et l’opprimé, leur place est d’être, de façon active et concrète aux côtés de ce dernier, aux côtés des victimes de la conquête militaire, de la répression, des détentions de masse et du racisme. Ce que l’attaque israélienne contre la Flottille nous donne à voir de façon plus flagrante que jamais est que les gouvernements complices n’hésitent pas à employer leur influence politique et diplomatique, leurs services de renseignements, leurs appareils judiciaires ainsi que leurs unités militaires spéciales afin d’accroître l’inégalité du rapport de force au profit d’Israël et au détriment des droits du peuple palestinien et des mouvements qui le soutiennent.
Que ce système mondial de terreur officielle s’affiche ouvertement en assignant un rôle précis à chacune des forces, Etats et gouvernements, qui le composent signifie que dans cette vision, les peuples ne comptent plus et que seuls comptent les structures internationales dominantes d’intérêts et les pouvoirs en place.
L’Union Européenne s’est employée à discréditer la Flottille de la Liberté et à s’attaquer à sa légitimité mais il faut dire, et il n’y a rien d’étonnant à cela, que l’administration américaine l’avait précédée dans cette basse manoeuvre. Le pire, cependant devait venir de la Grande-Bretagne qui a pris la décision politique d’arrêter Cheikh Raed Salah, l’un des plus grands dirigeants du peuple palestinien et dirigeant du mouvement mondial contre le blocus de Gaza. La campagne de calomnies qui a accompagné son arrestation, qui n’est rien d’autre que reprise grossière de la propagande israélienne dirigée contre cet homme et ce qu’il représente, montre l’étendue de la compromission - voire de la soumission - de ces milieux au gouvernement israélien et au lobby sioniste
En arrêtant le Cheikh Raed Salah, la Grande Bretagne a offert à Israël la possibilité de pervertir et de détourner à son profit un des moyens d’action de la société civile mondiale et, pour ce pays ci, le recours aux tribunaux britanniques pour poursuivre et arrêter les criminels de guerre israéliens, généraux et personnalités politiques. Pour rappel, quand, il y a quelques années, le Centre Palestinien des Droits de l’Homme, dans une action menée avec des parties solidaires britanniques, obtint de ces tribunaux un arrêt ordonnant l’arrestation du général Doron Almog pour sa responsabilité dans l’assassinat du martyr Salah Shehade et de treize membres de sa famille à Gaza, les autorités britanniques distillèrent l’information à l’ambassade israélienne et à Doron Among lui-même, ce qui permit à celui-ci de fuir le territoire britannique et d’échapper à la justice de ce pays.
Ainsi, le recours à la justice qui était pour les victimes de l’occupation, du racisme et du colonialisme un lieu où leurs droits pouvaient être entendus est devenu pour les occupants et les criminels de guerre moyen de pousser encore plus loin l’oppression de ces mêmes victimes et cela, en utilisant non seulement leurs lois mais aussi celles qui ont cours dans les pays dont les gouvernements sont complices des crimes israéliens.
La Grèce, qui est liée à Israël par un système de coopération militaire et sécuritaire en plein développement incluant des manœuvres conjointes, a engagé une opération militaire utilisant ses forces spéciales dont les commandos navals pour immobiliser la Flotte, y compris en recourant aux explosifs pour détruire les moteurs des navires. Dans le même temps, elle ne s’est pas privée d’actionner ses appareils judiciaires afin de donner un semblant de légalité à son recours à la force militaire brute pour empêcher la Flottille de prendre la mer pour Gaza. A la gloire de cette force militaire hautement louée par Israël, le blocage des navires au port, le sabotage de leurs moteurs et l’opération d’arraisonnement en pleine mer suivie d’un retour forcé au port.
Par ailleurs, Chypre a annoncé sa décision d’interdire aux navires de la Flottille de mouiller dans ses eaux territoriales alors que la Turquie a fait preuve d’une attitude moins qu’honorable. On sait que les explosions qui ont touché un des navires de la Flottille ont eu lieu dans ses eaux territoriales mais il y a pire que cela : elle a interdit au Mavi Marmara, ce symbole de la solidarité avec Gaza qui porte encore les traces de la sanglante attaque israélienne, de rejoindre la Flottille de la Liberté.
Encore une fois, nous constatons la pitoyable veulerie de la position officielle palestinienne, celle de l’ Autorité Palestinienne et de l’ OLP lesquelles, face à ce crime commis par Israël et de nombreux autres Etats, n’ont pas trouvé mieux que de se dérober à leur rôle de partie essentielle dans le conflit avec Israël pour assumer celui de « partie tierce ». Il faut aussi noter que durant ces évènements, la coopération sécuritaire de l’Autorité Palestinienne avec Israël ne s’est pas relâchée ni même été mise en question un seul instant.
Nous avouons que nous attendions plus de l’Egypte révolutionnaire. Cet Etat à vocation de puissance régionale avait la possibilité d’offrir, à la Flottille de la Liberté, accueil dans ses ports et protection lors de son départ vers Gaza, car son littoral et ses eaux territoriales sont plus proches de Gaza que ne l’est cette dernière d’Israël. L’Egypte s’est abstenue d’offrir à la Flotte un tel soutien, car avec son régime actuel, elle accepte encore de subir ce siège mis en place autour d’elle et autour de la Palestine par les accords de Camp David). Nous devons reconnaître que l’Egypte révolutionnaire a ré-ouvert le passage de Rafah, un pas extrêmement important mais nous pensons que quand on est capable d’ouvrir Rafah, on est également capable de protéger la Flottille de la Liberté.
L’ouverture du passage de Rafah est chose extrêmement positive mais elle ne met pas fin au blocus ni ne suffit à le briser. Nous devons aussi noter que l’Egypte, l’Autorité Palestinienne et la Jordanie poursuivent toujours leur coordination sécuritaire avec Israël et cela est extrêmement dangereux, car en fin de compte, ceux qui sont encerclés, ce sont le peuple palestinien, les peuples arabes et la souveraineté arabe, spécialement celle de l’Egypte.
Tous ces évènements nous apprennent malheureusement que les révolutions arabes ont encore du mal à traduire leur élan sur le plan des responsabilités régionales. Que l’Union Européenne, la Grèce , la Grande Bretagne ou encore Chypre manifestent de façon aussi insolente et brutale leur hostilité à l’égard de la Flottille de la Liberté, à l’égard du mouvement contre le blocus imposé à notre peuple n’est que la conséquence de ce déficit au plan régional. Il est vital que les forces populaires et politiques, précisément celles de l’Egypte, prennent conscience de ce déficit.
Israël que nous connaissons bien, s’était préparé à perpétrer une boucherie contre les membres du mouvement de solidarité en lançant une campagne haineuse appelant à verser leur sang, en répandant des mensonges éhontés sur eux et ce qu’ils sont, sur leurs intention et sur la nature des biens qu’ils transportaient. En dépit de la grossièreté de ces mensonges, mensonges dont sont conscients même leurs journalistes les plus connus, les médias aux ordres d’Israël ont continué à les diffuser comme s’ils étaient détenteurs d’un dossier de « preuves »- un dossier qui n’existe pas.
Il est clair que les peuples et les mouvements solidaires du peuple palestinien, très nombreux dans le monde, ne se soucient que très peu de l’impact des médias israéliens mais nous devons reconnaître qu’Israël a bien retenu le sens des signaux qu’elle a reçus après son attaque sanglante contre la Flottille de la Liberté en juin 2010 : désormais, elle redoublera d’actions criminelles. Et cette fois-ci, comme l’action de sabotage de la flottille a été essentiellement commise par des Européens, des Grecs, des Chypriotes, des Américains etc., elle n’est que tentative de blanchiment du crime qui, dans le cas où elle est couronnée de succès selon les critères de ceux qui l’ont perpétrée, ne manquera pas de se répéter à l’avenir.
Pour résumer, nous énumèrerons quelques points qui méritent spécialement d’être soulignés.
Premièrement : le dévoilement au grand jour de la nature de l’ordre mondial officiel lequel opère son passage du terrorisme pratiqué par un seul Etat à un terrorisme qui est le fait d’un système engageant plusieurs Etats dans une organisation et une coordination inédites. Nous pouvons dire que cet ordre mondial a désormais adopté le terrorisme -incluant, sans se limiter à cela, l’usage de l’institution militaire - comme moyen de lutte contre les mouvements populaires de solidarité qui agissent dans le cadre de la légalité internationale et des Droits de l’Homme.
Deuxièmement : l’importance cruciale de l’extension des mouvements de solidarité , importance dont la prise en compte doit se traduire, dans l’action militante palestinienne, par plus d’échanges et de coordination avec ces mouvements. Ceux-ci, en effet, constituent pour notre peuple et sa cause une véritable ligne de défense mondiale. Dans ce contexte, une campagne mondiale s’appuyant sur les lois et conventions internationales pertinentes doit se faire afin d’assurer la protection de ces mouvements car leur combat vise la promotion des Droits de l’Homme et les Droits des Peuples.
Troisièmement : la nécessité d’œuvrer en vue de redonner à la cause palestinienne la place qui lui revient dans les révolutions arabes et, en particulier, en Egypte. Dans ce contexte, il faut agir en vue de promouvoir des mécanismes permettant à l’opinion arabe d’être plus réactive et dans le même temps plus présente en tant que force face aux évènements mondiaux.
Quatrièmement : l’exigence que cesse de façon définitive la coordination sécuritaire de l’Egypte, de la Jordanie et de l’Autorité Palestinienne avec Israël, exigence qui va doit s’accompagner d’une pression sur le régime égyptien afin qu’il se libère des accords de Camp David, ces accords qui ont gommé la dimension arabe de l’Egypte et exclu celle-ci de la confrontation avec Israël.
Cinquièmement : la préparation de la prochaine Flotte de la Liberté, préparation qui doit bénéficier des enseignements tirés l’expérience de la dernière Flotte, parmi lesquels la nécessité de démanteler le cordon sécuritaire que s’est donné Israël grâce aux Etats hostiles mentionnés plus haut.
Nous avons dans ces évènement des leçons précieuses mais la grande vérité qui émerge est que la Flottille de la Liberté est arrivée à Gaza sans même quitter les quais et que Gaza, comme toute la Palestine, a trouvé son chemin vers le cœur des peuples du monde, Là est le meilleur fruit de la lutte de notre peuple et de ses amis dans le monde.
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire