vendredi 17 février 2012

Tunis : "Cachez ce sein que je ne saurais voir"

Ce vers célèbre est de Tartuffe, le personnage de Molière dans la pièce Tartuffe ou l'imposteur, dont le nom est entré dans le vocabulaire français pour désigner un "personnage qui, sous couvert de religion, affecte une dévotion et une vertu profondes, dans le but de séduire son entourage et d'en tirer profit" et par extension un "personnage pétri d'hypocrisie". Synonymes : hypocrite, bigot, papelard, judas, faux-jeton, fourbe, imposteur, jésuite, insinuant, mielleux.
La photo de Sami Khedira posant avec sa femme est une illustration parfaite de la phrase de Tartuffe. Car que fait Sami ? Eh bien, il cache le(s) sein(s) de Lena Gercke. Malheureusement, il montre "le reste" et c'est ce qui a déclenché les foudres des super-tartufes de la Kasbah. Faut-il en rire  ou en pleurer ?
FG, Basta!

Tunisie: trois journalistes arrêtés pour une couv' osée

Par ELODIE AUFFRAY,  correspondante à Tunis,  Libération, 16/2/2012

Une du journal Attounsia, le 15 février

Trois journalistes tunisiens ont été arrêtés mercredi pour la publication d'une photo de femme nue en couverture du quotidien Attounsia. Après avoir passé la nuit en garde à vue dans les services de protection des mœurs, ils devaient être entendus ce jeudi par un juge d'instruction.

Attounsia a reproduit en une de son édition de mercredi la photo parue en une du magazine allemand GQ. Le footballeur allemand d'origine tunisienne Sami Khedira y pose en costume avec son mannequin d'épouse, nue dans ses bras.
Une couverture certes «scandaleuse», reconnaît le Syndicat des journalistes tunisiens. «Il faut respecter la déontologie, rappelle ainsi Néjiba Hamrouni, la présidente du syndicat, mais arrêter des journalistes pour une photo, c'est grave.» Le SNJT dénonce ainsi «l'intimidation des journalistes».
Ceux qui s'indignent de cette arrestation sont d'autant plus choqués que les dépassements des religieux radicaux ne semblent pas poursuivis avec autant de sévérité. Ainsi, ceux qui ont vandalisé la maison de Nabil Karoui, le patron de la chaîne de télé Nessma —poursuivi lui aussi en justice pour avoir diffusé le film Perspépolis, où figure une image de Dieu— n'ont récolté qu'une maigre amende (à peine 5 euros). Nabil Karoui a, lui, immédiatement été traduit en justice. De même, l'agresseur du journaliste Zied Krichen, frappé à la sortie d'une des audiences de Karoui, n'a toujours pas été retrouvé.

L'affaire Attounsia est, de plus, concomitante avec la tournée très médiatisée du prédicateur égyptien Wajdi Ghoneim, partisan de l'excision des fillettes. «Une opération esthétique, rien de plus», a-t-il encore défendu sur une radio tunisienne, alors que l'excision est interdite en Tunisie. Les autorités ont, sous la pression de la société civile, fini par rappeler l'interdiction. Wajdi Ghoneim a également tenu des propos violents à l'encontre des laïques.
«La publication de la photo d'un corps nu serait-elle plus condamnable que la tournée de prédication haineuse qu'un défenseur farouche de l'excision féminine vient de réaliser dans plusieurs villes du pays?», interroge Selim, jeune militant associatif, sur son blog.«Par cette politique du deux poids - deux mesures, on ne cherche certainement pas à garantir notre liberté d'expression. Mais plutôt à la halal-iser, en réduisant son champ et son application, petit à petit, sous couvert de puritanisme
«Faudra-t-il ensuite interdire les journaux étrangers en Tunisie?», questionne, railleur, mag14.com. Ou bien «mettre en place une commission spéciale chargée de feuilleter les journaux en questions, pour chercher s'il n'y  a pas de pages avec des photos quelque peu dénudées?»
C'est, de même, sous l'angle de la morale que la censure d'internet pourrait revenir: la Cour de cassation dira mercredi prochain si l'Agence tunisienne d'internet doit rétablir le filtrage des sites pornographiques.



Le X exfiltré du Web tunisien ?



D’après le dessin de Erich Ferdinand, CC BY
De notre correspondante à Tunis


C’était l’instrument de la censure politique sous Ben Ali. L’Agence tunisienne d’Internet (ATI), l’entreprise semi-publique qui joue le rôle de grossiste pour les fournisseurs d’accès, risque de reprendre du service… pour bloquer les sites pornographiques. La Cour de cassation doit se prononcer ce mercredi sur l’affaire. L’ATI, désormais dirigée par un jeune PDG qui défend la neutralité du Net, a déjà perdu la partie en première instance et en appel.
La bataille a commencé au printemps, lorsque trois avocats ont assigné l’agence en justice pour qu’elle rétablisse le filtrage du porno. Déjà en cours sous Ben Ali, il a été levé, comme toute autre forme de censure, trois semaines après le départ du Président. « Le code pénal interdit l’incitation à la débauche et la diffusion d’images à caractère pornographique », fait aujourd’hui valoir Me Moneem Turki, qui prend pour principal argument « la protection des enfants », ainsi que le respect des « valeurs arabo-musulmanes ». « La liberté d’expression a aussi ses limites en France : l’apologie de Hitler, le négationnisme », poursuit-il. Quoi de mieux, alors, que de passer par l’ATI, qui « a déjà fait ses preuves » en tant que « champion de la censure pendant des années » ?
Moneem Turki est l’un de ces avocats proches des islamistes qui attaquent tous azimuts depuis un an : lui a initié la procédure contre la cinéaste Nadia El Fani, pour son film Ni Allah ni maître. Il fait aussi partie de la centaine d’avocats qui se sont portés partie civile contre la chaîne Nessma, poursuivie après la diffusion de Persépolis, où figure une représentation de Dieu — ce que proscrit l’islam.
Côté ATI, le PDG post-révolutionnaire et un peu geek, Moez Chakchouk, refuse de tomber dans le piège de l’idéologie. D’ailleurs, lui aussi est « contre ces contenus », tient-il à préciser. Le jeune patron — 36 ans et déjà une longue carrière dans les hautes sphères des télécoms publiques — « défend une entreprise ». Ses arguments sont économiques : la censure coûte cher (2 à 2,5 millions de dinars par an en moyenne, soit entre 1 et 1,2 million d’euros), et l’ATI « n’a plus les moyens ». Elle risque de dégrader la qualité de la connexion. Et elle est inefficace, les Tunisiens ayant pris l’habitude de la contourner. La solution, selon lui : des solutions de filtrage proposées par les fournisseurs d’accès à leurs clients. Ce qui éviterait tout « retour en arrière par rapport à une censure globale ». Reporters sans frontières craint de son côté que le filtrage « puisse ensuite être étendu à d’autres types de contenus ».

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