vendredi 16 mars 2012

Pour un mouvement de masse européen de solidarité avec le peuple grec et de résistance active aux politiques d’austérité


Athènes, 13 mars 2012 - Pourquoi les malheurs du peuple grec émeuvent-ils tant l’opinion publique en Europe ? Et pourquoi, de jour en jour, cette émotion de plus en plus diffuse et profonde se transforme-t-elle en volonté d’agir, de faire quelque chose afin de manifester sa solidarité à la population grecque ? La réponse n’est pas difficile : si le drame grec émeut et même révolte les gens, c’est parce qu’il n’est plus perçu comme extérieur à leurs préoccupations, comme un cas isolé, une exception à la règle. En somme, parce qu’il est reconnu comme ce qu’il a toujours été, dès son début, un cas-test inventé et imposé de force par ceux d’en haut afin d’expérimenter et de mesurer sur les cobayes grecs les capacités d’endurance et de résistance des victimes de leurs politiques avant de les généraliser partout en Europe !
Ce n’est donc pas une surprise si le parallélisme entre la Grèce d’aujourd’hui et l’Espagne de 1936 fait mouche et est repris par tant d’acteurs politiques et sociaux en Europe. La résistance du peuple grec en 2012 fait barrage à l’extension de l’agression brutale du capital contre le monde du travail en Europe exactement comme la résistance des peuples de l’ Etat espagnol faisait barrage en 1936 à l’extension de la peste brune –et au déclenchement de la guerre- partout en Europe et au monde ! Si le barrage grec cède maintenant, c’est qu’il y aura bientôt inondation de pratiquement toute la plaine européenne...
Le fait qu’il y a de plus en plus de citoyens européens, de syndicats ouvriers, de formations politiques et de mouvements sociaux qui perçoivent le drame grec comme étant emblématique d’une toute nouvelle époque historique du capitalisme néolibéral, est une nouveauté absolue aux conséquences très importantes. En effet, ceci signifie que le vent est en train de tourner dans cette Europe malgré et contre la propagande officielle, appuyée par les grands médias, qui continuent de prêcher (depuis deux ans !) que « la faute est exclusivement celle des Grecs ». Mais, elle signifie surtout que des franges de plus en plus consistantes des sociétés européennes sont désormais disponibles sinon prêtes à donner à leur sentiment de solidarité envers le peuple grec un sens et un contenu nouveau : celui qui fait de la résistance grecque à la barbarie capitaliste L’AVANT-POSTE d’un combat commun plus universel, qui les concerne directement parce que c’est leur propre combat contre les mêmes politiques du même ennemi de classe !
La conclusion saute aux yeux : les ingrédients sont désormais réunis pour tenter de construire un mouvement de masse en Europe à la fois en solidarité avec le peuple grec et contre les politiques d’austérité pratiquées par les directions de l’UE. Mais, dira-t-on, de quel mouvement parle-t-on ? Quelles pourraient être son ampleur et sa durée, ses structures et sa radicalité ?
Tout d’abord, nous considérons que ce mouvement pourrait et devrait se construire sur la base de caractéristiques fondamentales suivantes : être européen c’est-à-dire s’étendre à tout le continent, être unitaire, « généraliste », de masse, de longue haleine et disposer des structures stables à la base de nos sociétés (comités de base autogérés et fédérés). Nous nous expliquons…
a)      L’exigence d’être totalement unitaire est fondée sur la reconnaissance du fait que les politiques d’austérité actuelles visent un très large éventail des secteurs sociaux, menaçant au moins certains d’eux d’une véritable extinction ! En somme, même s’il y a exagération dans la prétention de nos bons amis américains de parler au nom des fameux 99% de la société, le fait est qu’on n’a jamais vu autant de gens objectivement et parfois, même « subjectivement » unis contre un même ennemi de classe non seulement commun et –chose très importante- perçu comme tel. C’est exactement sur cette « communauté » d’intérêts qu’il faudra bâtir la nature profondément unitaire de ce mouvement, en évitant tout sectarisme et « avant-gardisme ». Le « tous ensemble » doit dominer.
b)      Il est évident qu’une telle situation (plutôt inédite) favorise la création d’un mouvement de masse car il s’agit de vouloir mobiliser et regrouper toutes les victimes de cette véritable « guerre sociale » du capital contre l’écrasante majorité des citoyens. Cette caractéristique est accentuée par le fait que l’offensive réactionnaire n’est plus seulement « économique » mais qu’elle déborde sur le social, le politique et même le culturel et l’éthique. En somme, elle est globale, posant des dilemmes véritablement existentiels à la société et aux citoyens.
c)      Étant donné que ces politiques d’austérité frappent –bien qu’avec des intensités différentes- toutes les populations européennes, il va de soi que ce mouvement peut et doit être européen -et qu’il doit être organisé comme tel-, autrement il est condamné d’avance à l’échec…
d)     La longue durée de ce mouvement est rendue obligatoire par le fait qu’il est censé se confronter à une offensive de longue haleine de l’ennemi de classe global, laquelle nous fait entrer dans une nouvelle période historique. Cette longue durée est renforcée par la perspective -tout à fait réelle- que la crise grecque s’éternise sans pouvoir trouver à court terme une issue favorable à l’un ou à l’autre camp.
e)      La conséquence logique en est que le mouvement européen de masse doit  se préparer à une lutte de longue haleine, planifier ses activités et s’investir dans un projet a long terme. Ceci veut aussi dire qu’il doit se doter des structures non pas éphémères mais ayant une certain continuité et stabilité.
f)       Ce mouvement doit aussi être « généraliste », c’est-à-dire ne pas se limiter a une résistance partielle (p.ex. strictement économique) à l’offensive réactionnaire qui est « globale », étant à la fois économique, sociale, culturelle, patriarcale, environnementale et même « philosophique » et éthique. Il doit donc, regrouper sous le même toit organisationnel toutes les résistances, essayant  – ce qui n’est pas donné d’avance - de les doter d’un dénominateur commun afin de les unifier  dans la lutte.
Ceci étant dit, il reste à cerner avec plus de précision le rôle que devra jouer dans un tel mouvement européen la solidarité avec le peuple grec. D’abord, il faut dire que cette solidarité avec la Grèce n’est pas un fardeau mais plutôt un atout de taille pour la construction et le développement d’un mouvement de masse contre les politiques d’austérité. La résistance du peuple grec émeut - à juste titre - des millions d’Européens et ce faisant elle facilite grandement la prise de conscience que les malheurs des Grecs illustrent le sort que les puissants de ce monde réservent à nous tous. Réagissant d’abord avec leurs tripes face au drame grec, les salariés et autres citoyens européens prennent juste après conscience qu’ils font aussi partie de ce drame, par-delà les frontières et les intérêts dits « nationaux », par-delà et contre toute la propagande officielle. En somme, ils découvrent la communauté d’intérêts de ceux d’en bas et l’internationalisme en acte, chose d’une importance capitale à une époque de crise systémique si cataclysmique qu’elle ressuscite les « démons » (nationalistes, racistes et même…guerriers) des années 30 chez plusieurs factions de la bourgeoisie européenne…
Cependant, il faut admettre que ce sentiment de solidarité n’est pas éternel, il doit être entretenu jour après jour afin d’être suffisamment fort et diffus pour pouvoir « entretenir » un mouvement de solidarité de longue haleine qui soit articulé en comités de base partout en Europe. Alors, les perspectives du « laboratoire » grec sont-elles propices à entretenir l’intérêt, l’émotion et surtout le sentiment de solidarité active que suscite ce drame grec ?
La réponse à cette question capitale est un Oui catégorique. Oui, elles peuvent garantir tout ca pour deux raisons : a) parce que tout indique qu’il n’y a pas d’issue prochaine au drame grec car aucun de ses deux protagonistes (ceux d’en haut et ceux d’en bas) n’a les moyens d’écraser l’autre. Ce qui nous conduit à la conclusion que l’actuel équilibre instable pourrait s’éterniser, conduisant soit à un pourrissement de la situation, soit à des explosions de plus en violentes mais sans lendemain. En tout cas, on peut être sûr que la crise grecque est ici pour y rester et dominera l’actualité européenne (et internationale) pour longtemps. b) parce que la colère de l’immense majorité de la population grecque est si profonde que la suite de l’histoire sera émaillée d’événements et d’explosions de tout ordre aptes à maintenir mobilisée l’opinion publique européenne favorable au combat du peuple grec. Il y a aura sûrement des « temps morts » mais ils ne seront pas en mesure de faire baisser la tension du mouvement de solidarité, d’autant plus que nous pouvons déjà prévoir qu’il y aura de plus en plus d’ « événements » similaires dans d’autre pays européens.
C’est d’ailleurs la crise grecque et le combat du peuple grec qui offrent tout à fait naturellement la revendication et le mot d’ordre central du mouvement européen : refus et répudiation de la dette qui n’est pas la nôtre et refus total des mesures et des plans d’austérité. Et le tout sous l’enseigne très éthique de la notion fondamentale d’« état de nécessité » du droit international qui impose que la satisfaction des besoins élémentaires des humains ait la priorité absolue sur la satisfaction des créanciers. Dans la situation actuelle de polarisation grandissante entre ceux qui prônent la soumission à l’austérité au nom du remboursement de la dette et ceux qui rejettent catégoriquement ce chantage, ces deux revendications/mots d’ordre seraient largement suffisants au moins pour le lancement de ce mouvement européen. Et ceci d’autant plus que chacun (mouvement social, syndicat, force politique ou simple individu) serait libre au sein de ce mouvement de défendre et de mettre en avant ses propres conceptions du contenu et de la forme des luttes à mener à condition, évidemment, de partager et de défendre les deux revendications centrales susmentionnées.
Evidemment, l’acceptation d’un cadre programmatique si peu fourni n’est pas exempte ni de risques ni de dangers pour le développement de ce mouvement. Cependant, ces risques doivent être acceptés et assumés en toute conscience car ce qui importe le plus actuellement, c’est qu’il y ait le plus grand regroupement possible de forces de toute sorte derrière le rejet net et clair des politiques d’austérité de la réaction européenne. Ce regroupement maximal est imposé par le besoin urgentissime de faire apparaitre au niveau européen une force de masse capable de rivaliser avec notre ennemi de classe commun si bien rodé, organisé, expérimenté, coordonné, surarmé et surtout décidé à en découdre avec la plèbe. Ici le facteur temps joue un rôle capital et l’ignorer serait déjà ouvrir la porte à son écrasement : on ne peut pas se permettre le luxe d’attendre que mûrissent ni les fameuses « conditions objectives » ni les mystérieuses « conditions subjectives », car l’ennemi de classe n’attend pas et est déjà en train de lancer une offensive frontale contre laquelle il faut nous défendre avant qu’il soit trop tard. C'est-à-dire avant que le mouvement populaire soit défait et perde toute capacité de résistance -peut être - pour des décennies !...
Voici donc, une première ébauche d’un projet concernant l’urgente nécessité de construire et faire développer en Europe la réponse de ceux d’en bas à la guerre que sont en train de lancer contre eux la Sainte Alliance de l’UE, du FMI et du capital. Le débat est lancé. Passons aux actes…
 

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