mardi 24 juillet 2012

Médias et conflit en Colombie : les retombées de l’affaire Langlois

par José Antonio Gutiérrez D. Traduit par  Pascale Cognet, édité par  Fausto Giudice, Tlaxcala
Original:
A raíz del caso Langlois: medios y conflicto en Colombia 
José Antonio Gutiérrez D est un militant libertaire colombien résidant en Irlande où il participe à des mouvements de solidarité avec l'Amérique latine et la Colombie, il collabore à la revue CEPA (Colombie) et à El Ciudadano (Le Citoyen, Chili) ,il collabore également au site web international www.anarkismo.net et au site http://www.es.lapluma.net. Auteur de "Problèmes et possibilités de l'anarchisme" (en portugais, Faisca ed, 2011) et coordinateur du libre "Origines libertaires du Premier mai en Amérique latine"(Quimantu ed 2010).


Fin avril, au cours d’un affrontement dans le Caquetá  entre des unités de l’armée et le Front 15  des FARC-EP, le journaliste français Roméo Langlois a été capturé alors  qu’il accompagnait  l’armée dans le cadre de son travail. Sa capture puis sa détention ont encore une fois remis  sur le tapis,  sous les yeux de la communauté internationale,  le conflit  armé  toujours occulté qui se déroule en Colombie.
Les insurgés, après avoir écarté des suspicions initiales (en effet dans un premier temps, ils ont cru que Langlois pourrait être un des agents israéliens ou usaméricains qui accompagnent et conseillent l’armée colombienne [1]),  ont publié  un communiqué déclarant : « Roméo Langlois portait des vêtements militaires de l’armée régulière en plein milieu d’un combat. Nous pensons que le minimum qu’on puisse espérer  pour qu’il recouvre sa totale liberté de mouvement, c’est l’ouverture d’un large débat national et international sur la liberté d’information » [2].
La réponse  des médias colombiens à la proposition des insurgés  a été caractéristique : l’éditorial d’El Espectador  l’a qualifiée de « condition saugrenue », en insistant sur le fait qu’ils ne débattraient de rien par la force [3].A son tour, El Tiempo a considéré que c’était une « exigence inacceptable » qu’il fallait rejeter énergiquement et que  les FARC-EP n’avaient de leçon à donner à personne sur les principes du journalisme [4]. Ces réponses ne sont que la variante médiatique de la position habituelle  vis-à-vis de la guérilla, du point de vue des institutions : il n’y a rien à négocier en dehors de sa démobilisation. Les portes à toute forme de dialogue sont fermées car avec des « terroristes » on ne discute pas, on ne parle même pas [5].
Dans une chronique  sensée, Carlos Cortés Castillo [avocat et journaliste colombien, NdT], décrivait ainsi la réponse des médias:
« Les FARC conditionnent la libération de Roméo Langlois à l’ouverture d’un « large débat national et international  sur la liberté d’information et, comme il fallait s’y attendre, nous nous indignons tous : les journalistes (Darío Arizmendi [Directeur de la chaîne Caracol, NdT] en boucle), les organisations  pour la liberté de la presse et nous, les citoyens. C’est à qui trouvera le qualificatif le plus dur contre cette guérilla et qui, après l’avoir prononcé, se sent nettement mieux (…) Aujourd’hui les journalistes vilipendent  la guérilla de leur indignation (…) la guérilla qui assassine, qui séquestre, qui vole. La réponse des directeurs des médias est identique : les FARC ne vont pas venir nous expliquer comment faire du journalisme. Il ne manquerait plus que cela. On éteint les micros et voilà toute l’information qui nous reste.
Il y a peu, sur un forum, quelqu’un disait que le legs laissé  par le gouvernement de Álvaro Uribe est, avant tout, mental .Je suis d’accord. Maintenant nous regardons la télé en noir et blanc. Dans le cas de la guérilla, nous avons appris à nous autocensurer  et à répéter le petit livre officiel de la lutte terroriste au point de nous surveiller nous-mêmes –la privatisation de la censure dont parle Coetzee- et nous nous méfions de celui qui déserte le bunker» [6].
Finalement Langlois a été libéré le 30 mai, et malgré le pesant blocus que les médias ont tenté d’imposer sur un débat autour de leur rôle dans le conflit, le débat a commencé. Bien que la proposition ait paru à Langlois « osée » et » provocatrice » [7], ce qui est certain malheureusement c’est que le débat sur le rôle des médias n’aurait sans doute pas eu lieu sans sa capture et détention.. C’est Langlois lui-même qui, par  des déclarations sur le conflit qui ne suivent pas le  manuel officiel  appliqué de façon uniforme par les médias colombiens,  a jeté les bases de ce débat, qui a été lancé, même timidement.
Manque de liberté d’information et censure informelle
Un regard plus attentif à la situation du journalisme en Colombie démontre qu’un tel débat n’est ni « osé », ni « inacceptable ». La Colombie, bon an  mal an, est un pays dans lequel, au cours de la période 1979-2009, plus de 130 journalistes ont été assassinés (pour 98 d’entre eux dans la période 1992-2006) ; un pays qui occupe selon le rapport de Reporters Sans Frontières de 2011, le 143ème rang sur 179 pays en termes de liberté d’information [8]. Dans le rapport de cette organisation de 2009, la Colombie occupait la 126ème place dans le classement du manque de liberté d’information sur les 175 pays analysés- ce qui signifie que, loin d’une amélioration, on constate une détérioration accentuée [9].
Mais ce n’est pas qu’on tue tant de journalistes. La terreur paramilitaire et officielle, ainsi que la campagne systématique d’attaques, de menaces et de stigmatisation  envers des journalistes indépendants au cours des trois dernières décennies ont déjà atteint leur objectif : réduire au silence les journalistes. D’après Hollman Morris, l’un des rares reporters ayant couvert le conflit dans les zones où il se déroule  et qui  remettent en cause de façon critique les discours officiels, lui-même victime d’une persécution brutale à cause de son travail d’investigation : « Le gouvernement dit avec fierté que sous cette administration le nombre de journalistes assassinés a diminué, ce qui est certain, non parce qu’il y a davantage de démocratie en Colombie mais simplement parce que ce qui se produit, c’est  que les journalistes s’autocensurent(…) les journalistes colombiens cessent progressivement de parcourir les zones de conflit, puisque le gouvernement a accusé  à plusieurs reprises les journalistes qui parcourent ces zones d’être ‘liés au terrorisme’.(…) En général, la censure n’est pas frontale, elle ne s’exerce pas de façon publique, par exemple  en  fermant  les émetteurs, les médias, mais c’est la stigmatisation, la menace que tu reçois par courrier, chez toi, à tes employés, ou la stigmatisation publique de la bouche du président lui-même , à ton encontre, sur  ton travail, mais également la stigmatisation de certains sujets par le gouvernement. »[10]
Cette « autocensure », qui n’est ni plus ni moins qu’une forme de censure informelle, par le biais de la terreur et de la menace plutôt que par décret, est clairement symbolisée par les propos d’un journaliste anonyme  quand il affirmait, en 2001, que « lorsque j’écris quelque chose, je me demande quelle va être la réaction de Castaño  [c.-à-d., un chef paramilitaire défunt] » [11]. Depuis cette époque, particulièrement depuis l’échec du processus de paix de Caguán  et le début du régime de « Sécurité Démocratique » d’Álvaro Uribe, les journalistes ont été forcés à se taire ou à répéter docilement le discours officiel. On les a forcés par des moyens officiels et para-officiels, également en exerçant sur eux la pression du marché du travail, contrôlé par une poignée de groupes économiques liés au bloc au pouvoir.
Le président Uribe en personne, qui s’est fait remarquer pendant son mandat  en proférant de multiples menaces et des accusations  imprudentes contre des détracteurs, des critiques ou des journalistes essayant  d’accomplir leur tâche professionnelle, a  clairement imposé les limites à l’exercice du journalisme dans un discours prononcé à Tres Esquinas, le 31 janvier 2003 : « Les journalistes vont devoir aider le peuple colombien, en s’autolimitant, en évitant l’imprudence, en comprenant que ce qui  compte c’est le droit du peuple colombien à préserver sa sécurité avant leur course au scoop journalistique »[12].Le journalisme d’investigation  se transformait alors en «scoop »  et le journalisme dit « sérieux » était subordonné à la stratégie militaire (c.-à-d., de « sécurité ») du gouvernement. Ce point a aussi été formulé par le conservateur Juan Gómez, alors sénateur (et ex-directeur du journal El Colombiano) quand il a dit en 2004 : « Un point important est de savoir quoi faire quand on reçoit des informations sur des attaques ou des occupations de lieux par la guérilla ; ne pas chercher seulement le scoop, l’exclusivité et à cause de cela attenter sans le vouloir, à la démocratie. Il faut savoir que dans certains cas la prudence est plus importante que la vérité » [13].
Le Général Mario Montoya est allé encore plus loin en exposant clairement comment les médias devaient servir la propagande  pour les forces armées et policières de l’État : « Nous avons aussi besoin que notre travail soit davantage reconnu, car dans bien des cas on glorifie plus la violence que le travail des renseignements et les opérations de l’armée, de  la police, du ministère public, du  CTI [Cuerpo  técnico de investigación], du DAS [Departamento administrativo de seguridad.] et des services du Procureur. Nous regrettons que l’on méconnaisse ce que nous nous efforçons de faire et que l’on donne une autre connotation à notre travail, simplement pour aller à la pêche aux nouvelles. Cela porte préjudice à nos relations. » [14] Les alliances de l’armée avec les paramilitaires, qui ont coûté en deux décennies 175.000 victimes reconnues, sont insignifiantes d’après Montoya. Sans parler des  3000 jeunes exécutés  extrajudiciairement  sous l’appellation  de « faux positifs » [15]. Par ailleurs, la persécution brutale  du DAS  contre l’opposition, contre les organismes des droits humains et contre les journalistes trop « infiltrés » (comme le susnommé Morris)  devraient être considérés comme des faits mineurs et non des crimes monstrueux [16].
C’est peut-être dans l’absence d’humour politique dans ce pays que l’on plus facilement constater l’existence de cette camisole de force sous  laquelle se développe l’activité journalistique en Colombie. L’humour politique requiert  une vision critique, de la perspicacité, un esprit de révolte et de l’irrévérence. Toutes  ces qualités qui font défaut  aux médias colombiens chez qui  (à quelques exceptions très louables près) règnent l’adulation, l’asservissement  et le culte des autorités. Morris nous dit: « Je crois personnellement que l’assassinat de Jaime Garzón a  été un message au  journalisme critique en Colombie. Que nous ne nous mettions pas en travers de certains pouvoirs de la société colombienne, voilà quel était le message d’après moi. A partir de l’assassinat de Jaime Garzón, la critique politique disparaît de la télévision, l’humour politique disparaît de la télévision et jusqu’à aujourd’hui, dix ans après son assassinat, il n’existe pas d’humour politique à la télévision colombienne ». [17] Il n’y a pas de comparaison possible entre le génie  d’un personnage comme Heriberto de  la Calle, interprété par Jaime  Garzón,  le cireur de chaussures  qui interviewe et  défie des personnalités publiques, avec les incroyables génuflexions face au pouvoir d’un William Calderón  dans « La Barbería » [programme de la télévision Cable Noticias, NdT ] : une telle adulation, un tel asservissement, un tel culte de la personnalité (propre d’une dictature) comme celui  qu’on mesure dans son « interview » honteuse d’Uribe Vélez (2010), en plus  de son manque de talent abyssal, de créativité et génie, sont la preuve de « l’envoûtement autoritaire » dans les médias qui répète le manuel « officiel » au pied de la lettre.[18].
12 ans sans Jaime-Justice
L’État contre le journalisme d’investigation
Dans le cas des menaces et attaques contre des journalistes en Colombie, l’État ne s’est pas contenté de proférer des menaces télévisées ou  de faire appel à un éventuel sicario [tueur à gage, NdT] engagé par un « fonctionnaire d’Etat corrompu ». En Colombie, l’État a mis en mouvement une stratégie délibérée, par le biais du Département Administratif de Sécurité (DAS) qui dépendait directement de l’exécutif, afin de réduire au silence les journalistes, de désinformer les masses, de manipuler l’information, de discréditer ceux qui le critiquaient. Cette stratégie connue sous le nom de scandale de la politiqueDAS, a été appelée « plan pour détruire le pays » par Le journaliste Juan Gossain  dans  un célèbre éditorial pour RCN Radio [19]. Hollman Morris nuance un peu cette position : « Il ne s’agissait pas d’un plan contre tout le pays : par exemple, le parti de la U [Parti social d’Unité Nationale] n’a pas été touché. Plinio Apuleyo Mendoza n’a subi aucune persécution, ni Ernesto Yamhure,  les directeurs des grands médias de communication n’en furent pas non plus victimes (…) Quiconque a exprimé une opinion contraire à ce gouvernement a été l’objet d’une persécution criminelle, ce fut le cas  de milliers voire de millions de personnes. Il s’agit d’une pratique propre aux dictatures les plus terribles du monde. » [20] Cette stratégie  n’aurait pu être développée sans la participation active de plusieurs journalistes et présentateurs, qui  pour beaucoup d’entre eux sont enkystés dans des programmes vedettes en prime time –« Il y a des journalistes qui ont reçu de l’argent du DAS et ont collaboré à des campagnes de discrédit contre  leurs victimes » [21]


Exemple de propagande visant à faire de Hollman Morris un "propagandiste des FARC"
Hollman Morris a été accusé  à plusieurs reprises directement par le président de l’époque, Uribe,  d’être un soutien à  la « guérilla » à cause de son travail de journaliste ; l’actuel président colombien aussi, Juan Manuel Santos, alors ministre de la Défense, a accusé Morris de faire l’apologie du crime parce qu’il couvrait le conflit et commettait « l’hérésie » d’interviewer des guérilleros en 2009 [22].Il ne  pouvait échapper à un chroniqueur averti comme Alfredo Molano, l’ironie du fait que le gouvernement de Santos se soit offusqué quand les insurgés ont retenu Langlois au milieu d’un combat, alors que l’État a poursuivi et criminalisé d’autres journalistes : « Maintenant que tant d’eau est passée sous les ponts, il est opportun de  rappeler que le 2 février 2009, dans la même localité d’Unión Peneya où a disparu Langlois, le bataillon  Héroes  de Guapi a retenu les journalistes Hollman Morris, Leonardo Acevedo et Camilo Raigozo, les accusant de faire l’apologie du crime et la propagande des FARC   alors qu’ils couvraient en civil la remise des séquestrés à Piedad Córdoba et à Daniel Samper Pizano. »[23]Le bureau du DAS   avait un dossier contre Hollman Morris et la persécution à son encontre a été désignée du nom de code  « Opération Puerto Asís » par la « police politique ». [24]
Cependant Morris n’a pas été le seul journaliste contre qui l’État s’est acharné [25].D’après le chroniqueur Ramiro Bejarano : «de nombreux  journalistes ont essayé d’exercer leur profession en enquêtant sur le conflit de façons très diverses  et ont été stigmatisés en échange,  ont reçu des menaces  de toutes sortes, y compris de la part de hauts dignitaires de l’État. » [26] Il existe une liste d’au moins 15 journalistes qui au cours des dernières années de la décennie ont été soumis à un espionnage minutieux de la part du DAS [27]. Un autre cas emblématique a été celui du journaliste de Noticias UNO et chroniqueur de Semana, Daniel Coronell qui a dû quitter le pays en 2005  lorsqu’il a commencé à recevoir une série de menaces à cause de ses enquêtes sur la corruption du régime d’Uribe et de ses liens avec le narcotrafic et le crime organisé : ces menaces prenaient la forme de coups de fil menaçants, de  courriers électroniques de même nature, de couronnes funéraires à son nom, à celui de son épouse ou de sa fille, et des  lettres dans lesquelles on lui expliquait comment  on lui rendrait sa petite fille découpée en petits morceaux[28].


Claudia Julieta Duque raconte son calvaire dans la presse
Le « manuel de menaces »  qui est sorti au grand jour  lors des investigations du Ministère public sur cet organisme démontre qu’il s’agissait de  pratiques systématiques édictées par le DAS. On y donne des instructions très précises sur la manière de menacer la journaliste Claudia Julieta  Duque en ordonnant  de :
«-Passer l’appel près des installations du service de  renseignements de la police.
-Ne pas bégayer, ni dépasser 49 secondes pendant l’appel.
-Appeler de préférence à partir d’un téléphone à cartes ETB, en cas de renvoi d’appel immédiat.
-Vérifier l’absence de caméras de sécurité et de surveillance de la circulation dans le périmètre.-Celui qui passera l’appel doit le faire seul et se déplacer en bus jusqu’au lieu de l’appel.
-renforcer les mesures préventives  sachant que Claudia Julieta  préviendra immédiatement de l’appel le Colonel Novoa de la police nationale (le même qui dans d’autres occasions  nous a visés institutionnellement) » [29].
Ensuite, dans ce document officiel, on donne des  instructions sur la manière de réaliser un appel de menaces.
« Salutations : Bonjour. (Matin ou après-midi)  Est-ce que Madame le Docteur Claudia Julieta est là ?
Message : Madame, vous êtes bien la mère de María Alejandra ? (attendre la réponse). Bon, je dois vous dire vous ne  nous avez  pas laissés le choix, on vous l’a dit de toutes façons et vous n’avez pas voulu en tenir compte, maintenant ni les voitures blindées ni les petites lettres merdiques ne vous serviront. On a dû s’occuper de ce qui vous est le plus cher, c’est ce qui arrive aux chiennes de votre espèce  qui s’occupent de  ce qui ne les regarde pas, vieille poufiasse, fille de pute… » [30].
Duque a reçu l’appel en novembre 2004, appel fidèle  aux instructions. «  L’agresseur de Duque, en plus de ce qui était prévu dans le manuel, a ajouté qu’il allait violer et assassiner sa fille de 10 ans. Dans une des phrases, il a dit : ‘ Votre fille va souffrir, on va la brûler vive, on va éparpiller ses doigts dans toute la maison.’Devant cette situation, la journaliste n’a eu d’autre choix que de quitter le pays.» [31]
Ces menaces et agressions, émanant parfois de médias  paraétatiques et parfois  étatiques, ont permis de mettre  au placard et  d’anéantir pratiquement  le journalisme d’investigation en Colombie, en réduisant le rôle du journaliste face au conflit à celui de courroie de transmission  entre le public et le ministère de la Défense. Pendant ce temps,  l’Etat a investi des millions en propagande au service de sa politique, essentiellement, pour tout  ce qui touche au  conflit : en 2007, on sait que 12.800.000.000 de pesos [=6 millions d’€] ont été dépensés en propagande pour le compte de l’État – dont  42% pour le ministère de la Défense– [32]. C’est ainsi que nous sommes arrivés à  la situation où le journalisme colombien, loin d’informer et d’analyser  la réalité du conflit, reproduit le discours officiel en même temps qu’il  ramène   la brutalité de la guerre à  une espèce de « Reality Show » prévisible et manichéen. D’après la journaliste María Teresa Herrán, «  La guerre, en termes audiovisuels, est décrite comme une série d’attaques  successives (…)  à partir des vidéos fournies par  le ministère de la Défense, le DAS et la police. Les espaces d’opinion  sont relégués  à la stratosphère  d’après minuit. (…) C’est cela qui en fait un « reality show », où ce qui importe, ce n’est pas tant  ce que l’on dit ou  fait mais le faux-semblant. » [33]
Contrôle des médias par les monopoles
Dans l’édition électronique  de la revue Insurrección, de l’ELN ( Ejército  de liberación  nacional de Colombia), il est dit que les trois grands thèmes  qui se recoupent dans le traitement  du conflit par les médias  sont : (a) la négation du conflit armé, sauf quand il est  reconnu  pour des raisons conjoncturelles, (b)  la profonde collusion  qui existe  entre les médias  et le monopole de la propriété en Colombie, (c) ainsi que  l’intrication des intérêts   entre les monopoles économiques, les moyens d’information  et les gouvernants. [34]
Il n’y a pas grand-chose à dire sur le premier élément puisque les médias de manière dogmatique  ont apporté leurs voix  au chœur  qui a réduit le conflit social et armé colombien  à une caricature  sortie d’un manuel pour débutants sur ‘la lutte  anti-terroriste’ – qu’ils acceptent à contrecœur  seulement   par intérêt, soit pour éviter des procès à la Cour Pénale Internationale (sans conflit, les attaques de l’armée seraient contre des « civils », non pas contre des « combattants » avec tout ce que cela impliquerait), soit pour limiter la portée  des initiatives comme la Loi des victimes. A  ce sujet, Rubén Darío Zapata, du journal alternatif Periferia, écrit : « Les mass -médias ont fait leur les maximes  du discours d’Uribe : en  Colombie, il n’y a pas de conflit et les guérillas ne sont qu’un groupe de factieux qui terrorisent la population civile. »[35]

Luis Carlos Sarmiento Angulo, PDG du Groupe Grupo Aval et...
Los millonarios de América Latina: ¿para dónde van?. El equipo cercano a Luis Carlos Sarmiento Gutiérrez no será muy diferente del que asesora a su padre, Luis Carlos Sarmiento Angulo. Está compuesto por los presidentes de los bancos del grupo.
..son héritier  Luis Carlos Sarmiento Gutiérrez 

De pie, de izquierda a derecha: Eduardo Pacheco, del Grupo Colpatria; Carlos Enrique Cavelier, de Alquería; Jerónimo Castro, de Colfuturo. Sentados: Alejandro Santo Domingo, del Grupo Santo Domingo; Carlos Ardila Lülle, de la Organización Ardila Lülle, y Luis Carlos Sarmiento Angulo, del Grupo Aval.

Debout, de gauche à droite : Eduardo Pacheco, du Groupe Colpatria; Carlos Enrique Cavelier, d'Alquería; Jerónimo Castro, de Colfuturo.Assis : Alejandro Santo Domingo, du Groupe Santo Domingo; Carlos Ardila Lülle, de l'Organisation Ardila Lülle, et Luis Carlos Sarmiento Angulo, du Groupe Aval.
Alejandro Santo Domingo, presidente de la junta directiva de Valórem dijo:  “Esperamos trabajar conjuntamente con Virgin Mobile en la creación de un nuevo servicio de comunicaciones móviles que beneficiará a los colombianos”.
Alejandro Santo Domingo, PDG de Valórem
Quant  aux deux autres points, ils sont étroitement  liés. Ce  n’est un  secret pour  personne  que les quatre familles qui contrôlent la Colombie contrôlent également les plus grands médias. Caracol Televisión et le quotidien El Espectador  sont la propriété du groupe Santo Domingo ; El Tiempo  appartient  au groupe Sarmiento Angulo ; RCN appartient au groupe Ardila Lulle ;  et la multinationale Prisa est propriétaire de Caracol Radio et Radio W.  Le rôle de  la famille du président Juan Manuel Santos  dans les médias colombiens  n’est  un mystère non plus  pour personne : sa famille est un  important actionnaire  du quotidien El Tiempo, dont son frère Enrique Santos a été en  le directeur ; Francisco Santos, cousin germain du  président, est directeur de RCN Noticias.
Enrique et...
...Francisco Santos
Peut-on penser qu’avec un tel contrôle des médias  et une telle intrication avec les élites au pouvoir, les médias puissent exercer un rôle critique,  être le censeur  du travail des gouvernants ?  Une affaire  qui démontre  cette  conjonction d’intérêts entre gouvernants et groupes économiques  contrôlant les médias s’est produite  mi-octobre  2009, quand Claudia López, une des rares voix critiques du journal proche du pouvoir El Tiempo a été  remerciée sans préavis, suite à une chronique dans laquelle elle remettait en question la partialité de ce journal par rapport aux aspirations présidentielles de Juan Manuel Santos [36].Il a suffi d’une chronique dans laquelle elle questionnait  la façon dont le journal couvre l’information, ainsi que sa préférence claire  pour un des membres du clan Santos, pour que le journal « interprète » cette chronique comme une « lettre de  démission », qu’ils « ont acceptée » « immédiatement »(sic). Le cynisme pour justifier un licenciement arbitraire et un acte de censure si éhonté ont rarement atteint de telles extrémités.
De la même façon, il est  impensable que ces médias, entre les mains de secteurs économiques puissants, avec de multiples intérêts  en jeu dans le conflit [37] et  alliés proches d’un gouvernement engagé dans une solution militariste, observent une position  critique, impartiale, ou même neutre face au conflit social et armé colombien. Dans un moment de franchise exceptionnelle, le journaliste de Caracol Radio, Héctor Rincón a dit : « Nous produisons des contenus extrêmement pauvres, (…) nous avons un langage  qui ne relève pas de la rigueur journalistique, qui ne joue pas son rôle  de neutralité » [38].Inutile de dire que depuis  qu’il a fait cette autocritique, en 2004, la situation, loin de s’améliorer, a ostensiblement empiré. L’adulation et la médiocrité sont récompensées, pendant qu’on persécute  et on attaque l’investigation et la critique.


"Piedad suce Chavez. Chavez suce le Pôle (démocratique), et le Pôle suce les FARC. Et moi, j'en ai marre de ces fils de pute": exemple du haut niveau du bloc réactionnaire colombien

Tous contre les FARC !
Evidemment, les médias ne sont pas  impartiaux ou neutres dans le conflit colombien, mais ils le couvrent plutôt avec  une hystérie qui fait que  quoiqu’on dise sur les  guérillas, du moment que c’est négatif, c’est crédible, même  les  histoires les plus incroyablement absurdes. Comme lorsqu’en 2008, les médias, pour tenter de convaincre le monde que les FARC-EP sont une « menace globale » ont inventé  une histoire selon laquelle les guérilleros avaient projeté de se procurer de l’uranium pour élaborer « des armes de destruction massive » - ce qui aurait été « corroboré » par la « découverte » d’environ 30 kilos d’uranium à Bogotá, sur la base d’une information sortie du chapeau de magicien qu’étaient les ordinateurs du défunt commandant Raúl Reyes ( à propos duquel, on a inventé d’autres mensonges sinon moins gros, moins créatifs) [39].Que même des citoyens normalement  instruits et intelligents aient cru de telles idioties, démontre le niveau d’endoctrinement auquel sont soumis les Colombiens, à qui les médias n’arrêtent pas de  rabâcher ce genre  d’absurdités. Naturellement, cette « information-fiction » n’a finalement débouché sur rien, mais le message subliminal de « guérillas   perverses »   prêtes à n’importe quelle action diabolique  est ce qui reste dans le «  disque dur » du citoyen lambda, de classe moyenne, vivant dans les grandes villes et qui ne connaît le conflit qu’à travers les nouvelles.
Dans les médias, on reproduit une série de lieux communs dont on ne vérifie jamais la véracité, qui font partie de la propagande de guerre contre-insurrectionnelle officielle : les guérillas  et principalement les FARC-EP, ne seraient pas des organisations  révolutionnaires ou insurgées, mais plutôt des « narcoterroristes » [40] (l’affirmation qu’ils ne démontrent jamais  avec évidence, ce serait que les guérillas trafiquent  effectivement, en dehors de l’impôt qu’ils  touchent  «  de force », auprès des narcos - lesquels ,  eux oui, ont de nombreux amis au parlement et dans les grands groupes économiques- de la même façon qu’ils en touchent   d’autres activités économiques dans leurs zones d’influence [41], qu’ils ne mènent pas des actions   mais « commettent des crimes » [42], dans des « zones marginales » déterminées du pays (même s’ ils se trouvent dans le centre géographique du pays comme à Tolima, Huila, Valle, etc..) et leurs actions militaires, même quand ils respectent pleinement les  règles de la guerre moderne, sont toujours des «  actes terroristes » et non des attaques.
Le président Juan Manuel Santos lui-même a  déclaré, récemment sur son compte  twitter  que : « 417 terroristes  des FARC, 60 de l’ELN» se sont démobilisés   et oqu’n a capturé 1.723 membres des Bacrim (Bandes criminelles émergentes, nouvelle appellation des groupes paramilitaires inventée par Uribe en 2006, après la démobilisation officielle des Autodéfenses unies de Colombie, NdE] en 2012. C'est-à-dire que les terroristes, ce sont les guérilleros, pas les paramilitaires.
Selon les médias, la guérilla n’aurait pas d’idéologie : « Non seulement les FARC manquent de chefs comme Arenas et Marulanda, mais elles n’ont pas non plus un discours qui séduit, à part les criminels, les narcotrafiquants  et délinquants de toute sorte (…) Les FARC ne sont plus la guérilla d’avant  aux convictions idéologiques inébranlables avec une grande connaissance du terrain et une grande capacité à créer la surprise durant ses combats avec l’armée. C’est une association criminelle, contre laquelle se battent non seulement  les Forces militaires et la police mais le pays tout entier, lassé de leurs  mensonges et infamies»  [44].El Tiempo  partagerait ces  points de vue car selon lui, les FARC seraient  pourries par le narcotrafic et n’auraient  plus  aucune idéologie [45].Dans le meilleur des cas, l’insurrection  déguiserait son « obstination » sous le terme d’idéologie [46]. Mais curieusement, la gauche est accusée fréquemment d’être une façade du mouvement guérillero, et tout aussi  fréquemment tombent  des « idéologues » de la guérilla [47]. Personne ne peut expliquer alors dans les médias pourquoi une guérilla « sans idéologie » chercherait des  liens avec la gauche  ou pourquoi un cartel de narcotrafiquants supposés  s’attacherait à avoir des « idéologues »- chose dont  les paramilitaires n’ont jamais eu besoin. En réalité, l’oligarchie colombienne n’a jamais accepté la nature politique du mouvement insurrectionnel en Colombie : auparavant, ils les appelaient « bandits », « racaille »,  puis « communistes » (non pas pour insister sur l’aspect idéologique mais plutôt sur le caractère supposé d’agitateurs  dans «  l’idyllique » campagne colombienne, au service d’une puissance étrangère dans le contexte de la Guerre Froide, ennemis de l’ordre et de la morale)  et maintenant ils sont des «  narcoterroristes ». Les puissants n’ont  jamais réellement accepté la légitimité  politique de ceux qui les interpellent  et en tous temps et partout, ils les ont discrédités sous  des termes identiques à ceux qu’utilise l’oligarchie colombienne [48].
Chaque fois que se produit un attentat ou  qu’un civil est assassiné, sans chercher à vérifier  les preuves ou à  enquêter sur le terrain sur les faits, les médias incriminent  immédiatement  les FARC-EP, en retransmettant l’information (intéressée, partielle et propagandiste) servilement  et  sans  la mettre en doute, de sources militaires ou émanant du gouvernement. Incriminer les FARC-EP de tout ce qui arrive dans le pays, est une attitude réfléchie des médias, qui s’avère très utile à la stratégie propagandiste du gouvernement, mais en aucun cas ne participe à  la formation  d’une citoyenneté critique et réfléchie.
Dans de nombreux cas, on a accusé les FARC-EP de crimes qui finalement ont été perpétrés par des  paramilitaires ou l’armée : tel a été le cas des bombes du Barrio Gaitán pour la réélection d’Uribe , le massacre de Jamundi, la bombe d’Ituango, le massacre de San José de Apartado etc On peut en dire autant  de toute la confusion qu’ils sont en train de semer  autour de l’affaire du massacre des enfants de Tame, Auraca, où l’armée est clairement impliquée [49]. Rubén Darío Zapata illustre cette situation  et  explique l’attitude adoptée par les médias  quand on a découvert que ces crimes ne sont pas de la responsabilité du mouvement insurrectionnel : « Quand on a su que certains de ces crimes étaient le fait de bandes de délinquants de droit commun, les médias ont persisté dans leur  version, ils ne se  sont pas sentis tenus  de la  rectifier »,l’illustration de cette affirmation en est  l’affaire  emblématique du « collier bombe » : « un exemple, le 15 mai de l’an 2000, deux délinquants ont menacé une femme, Madame Elvia  Cortés , avec une bombe  exigeant de son mari la somme de 15 millions de pesos. Cette image a fait le tour du monde à la télévision et a été reproduite dans de nombreux journaux. L’histoire a été tellement connue que la productrice Huella  Latente l’a  recrée pour la télévision, ce qui a fait perdre du prestige aux FARC  et au processus de paix(…).Ils n’ont pas fait le même effort  de diffusion pour autant  quand on a pu vérifier  que  les auteurs  du collier-bombe étaient des délinquants ordinaires et ne faisaient pas partie des FARC » [50].
Jusqu’à aujourd’hui, quand je parle avec des gens, certains continuent à croire que le « collier-bombe » était  l’œuvre des FARC-EP, preuve irréfutable de leur « plus absolue dégradation ». Quand je leur dis que cet acte a été le fait de délinquants ordinaires, ils sont surpris : «  Et pourquoi El Tiempo n’a rien dit ? »… à quoi, on ne peut répondre que par un sourire…


Massacre en Colombie, Fernando Botero
Exagération des violations commises par la guérilla, minimisation des violations de l’État et des paramilitaires
La partialité des médias est mesurable. J’ignore si une étude quantitative a été réalisée  sur les médias et le conflit dans la presse colombienne, mais une analyse  quantitative réalisée par le journaliste canadien Garry  Leech sur la couverture par les médias des violations  des différents «  acteurs armés » colombiens  dans le New York Times, est  significative. D’après les chiffres du CINEP [Centre d’investigation et d’éducation populaire], vers la fin du premier gouvernement  d’Uribe Vélez, la force publique était :
«Responsable  de 56% des abus(…) tandis que les paramilitaires et les FARC étaient respectivement responsables de 29% et 10%, des abus.
Ces statistiques  sont fréquemment en totale contradiction  avec le panorama  présenté  par les médias, dans lesquels une liste interminable de déclarations de représentants du gouvernement colombien, et des USA se réfèrent souvent à  ‘la brutalité’ des ‘ terroristes’ des FARC, sans mentionner, à quelques rares exceptions près, les violations par les paramilitaires et militaires. Par exemple, chaque fois qu’un civil est assassiné, des membres du gouvernement colombien accusent immédiatement les FARC. Les mass-médias  reproduisent  docilement les accusations sans mener  leurs propres investigations sur les crimes. Dans ces occasions où finalement il y a assez de preuves pour pouvoir  conclure que les paramilitaires ou l’armée sont  en réalité les responsables des  crimes, le manque d’intérêt du gouvernement face à une telle nouvelle preuve fait que les mass-médias  taisent l’information rectifiée, laissant planer en conséquence  l’impression  que les FARC ont été les coupables.
(…) Une étude sur des civils assassinés démontre clairement l’existence de ce fossé entre la réalité et le terrain, et la manière dont les médias la présentent. Au cours de la première période du gouvernement Uribe (2002-2006), le New York Times  a publié 21 communiqués qui se rapportaient  spécifiquement à l’assassinat  de civils en Colombie. Sur ces communiqués, 17 incriminaient la guérilla des assassinats, alors que 2  rendaient responsables les paramilitaires et 1 l’armée, et autant dans le reste pour les paramilitaires que pour les rebelles. Sur chacun des 17 articles qui incriminaient la guérilla, les seules sources consultées ont été celles des officiers de l’armée ou du gouvernement colombien.
Cependant, d’après le rapport de la Commission Colombienne des Juristes(CCJ) de 2007, les guérillas ont été responsables de 25% des assassinats de civils pendant la première période du gouvernement Uribe.  Pendant ce temps, les paramilitaires ont été responsables de 61% des assassinats et l’armée colombienne des 14% restants. Ces statistiques diffèrent de façon dramatique  du panorama présenté par le New York Times, qui fait croire que les guérillas sont responsables de 80% des assassinats et non de 25%. A  son tour, le New York Times  donne l’impression  que les  paramilitaires étaient seulement responsables des 10% des assassinats et l’armée de simplement 5% » [51].
Cette étude démontre,  de manière irréfutable, le rôle des médias qui créent une  perception  déformée  du conflit  chez des personnes qui n’ont  pas d’expérience directe avec lui (aussi bien en Colombie qu’à l’extérieur). Je ne crois pas que  les résultats qu’apporterait  une  étude similaire sur les médias en Colombie  seraient très différents. S’ils sont différents à certains égards, cela ne m’étonnerait pas  que les médias colombiens soient encore plus partiaux que ceux des USA [52].


Viva la Muerte, Fernando Botero, 2001
On ne met pas en doute les sources « officielles » 
Nous avons dit qu’en général la presse et les médias colombiens,  fonctionnent comme des porte- paroles  efficaces des classes dominantes. Ceci n’est pas exagéré et  a été reconnu, par exemple, dans le Projet  Antonio Nariño, élaboré en 2001 pour déterminer  le degré de liberté d’expression en Colombie. Une analyse réalisée en 2003 sur  treize journaux colombiens sur la manière de couvrir le conflit armé  avec  des résultats  substantiels,  en plus de révéler la médiocrité du journalisme colombien en général, a  émis l’opinion suivante : « 47% de l’information  est construite à partir d’une source unique  tandis que 21% ne cite aucune source. Des informations qui sont construites à partir de plus d’une source,  lesquelles   représentent 31%, 88%  ne vérifient pas l’information, donc n’offrent qu’un seul point de vue, il n’y a pas d’antithèse. La majeure partie de l’information procède de sources officielles, ce qui devrait  garantir  la transparence de l’information. Malheureusement, il n’en va pas ainsi - nous avons trouvé de nombreux exemples - évidemment puisque c’est un État en guerre» [53].
Rubén Darío Zapata dit qu’ « une des caractéristiques  des mass-médias qui s’est accentuée  au cours de ces huit années de gouvernement Uribe résulte de l’adoption  des sources officielles comme unique source et l’adoption du  discours officiel comme manuel de style » [54]. Nous pouvons dire qu’avec l’arrivée au pouvoir de Santos, la situation n’a absolument pas changé.
Selon Ramiro Bejarano « ce que nous savons de cette guerre, nous, les Colombiens, ce sont  tout juste les données que reproduisent les médias  à partir des communiqués militaires ou du gouvernement, qui évidemment sont partie prenante » [55]. À son avis, par conséquent, la présence de journalistes étrangers, qui parce qu’ils le sont devraient  avoir une certaine « distance »  et davantage d’objectivité, serait essentielle  pour mieux comprendre le conflit. Dans une autre chronique, Daniel Pacheco insiste aussi sur le besoin de journalistes étrangers pour couvrir le conflit, car celui-ci,  bon gré mal gré (par  cooptation ou  sous la menace) est devenu un terrain miné pour les Colombiens : «  deux journalistes étrangers, Karl Penhaul et Carlos Villalón, un Anglais et un Chilien, se sont rendus dans la zone de la séquestration (sic)  et ont rapporté une vidéo dans laquelle un chef d’escouade de la guérilla  lisait le communiqué dans lequel  la guérilla reconnaissait  détenir Roméo . A Bogota, on n’a pas connu le froid malaise que l’on ressent quand un scoop vous échappe, il semblait qu’il y avait une acceptation tacite  qu’il s’agissait d’une tâche hors d’atteinte pour les médias colombiens. C’est sans regret que les journalistes étrangers sont devenus la source des médias colombiens » [56].
La tendance à accepter les sources officielles  comme  les seules  légitimes est  devenue tellement naturelle que même quelqu’un comme Jaime Abello, directeur de la Fondation Nouveau Journalisme Ibéro-américain   en arrive à se poser la question extrêmement  rhétorique qui  démontre que  le journalisme  en Colombie  se fait à la façon  d’un « monde à l’envers » :
L’Etat colombien  et les Forces Armées se sont-ils demandé  quel était leur rôle, plus précisément leur responsabilité sociale et légale, dans la production de l’information, en tant que source la plus importante de tout ce qui est en train de se produire dans le conflit armé de notre pays ? J’aimerais savoir par exemple, quel type de questionnement, de révision, font les Forces Armées aux commandants des Brigades  qui  inventent ou font des montages, nous savons  bien que ces montages existent, qui montrent qu’il y a vingt morts, dont on change les photos ou je ne sais quoi, et total on ne sait pas si ce sont des guérilleros  ou des paramilitaires, ou encore des personnes innocentes  et ils disent :’voilà les guérilleros que nous avons  éliminés’ . Quel type de réflexion ? Pourquoi  le pays n’a-t-il pas ouvert un débat sur la responsabilité juridique, sociale, légale des Forces Armées colombiennes  qui fournissent l’information institutionnelle ? Là alors, il y a un autre rôle, celui des sources.
Les médias travaillent très près des sources, et  ne nous leurrons pas, lorsque nous parlons de sources, nous pouvons pratiquement dire  pouvoirs :pouvoirs économiques, pouvoirs des entreprises, pouvoirs politiques qui occupent 8O% de l’espace informatif des médias et qui sont les plus grands fournisseurs d’information » [57].
Si c’est cela le « nouveau  journalisme ibéro-américain », nous avons vraiment un grave problème. Non seulement on accepte les pouvoirs économiques, politiques et ceux des entreprises comme sources privilégiées, mais on accepte que la source «  la plus importante »  d’information  sur le conflit colombien soit les Forces Armées, c'est-à-dire une des parties prenantes au conflit. Sans aucune honte, par conséquent, le journalisme se met du côté d’une des parties du conflit et ensuite il lui demande s’ils font des « montages » ou  s’ils «  mentent ». L’État ment toujours ; l’armée fera toujours une propagande qui lui sera favorable  et elle essaiera de mentir sur son adversaire, l’insurrection. Le problème n’est pas là, mais c’est que le journalisme soit incapable de vérifier  les sources, de faire des investigations, de mettre en doute, d’aller voir plus loin que les chiffres officiels. Que nous puissions  nous limiter simplement à exiger de l’État qu’il soit une « source d’information plus fiable » est la preuve de la banqueroute du journalisme colombien. Un journalisme  qui se différencie à peine  de l’irresponsabilité  du journalisme usaméricain  pour la couverture  de l’agression en Irak- Judith Miller, une journaliste du New York Times qui pendant des mois  a écrit des articles sur  «  les armes de destruction massive de Saddam Hussein », en répétant comme un perroquet les déclarations du gouvernement Bush, préparant ainsi le terrain pour  l’invasion de  l’Irak, créant les conditions pour préparer l’opinion usaméricaine à l’aventure  guerrière,  s’est justifiée  de la manière la plus cynique, quand il est apparu  au grand jour que ses articles étaient pleins de mensonges, en disant : « Mon travail ne consiste pas à évaluer l’information du gouvernement ni à être une analyste de renseignements indépendante. Mon travail consiste à raconter aux lecteurs du New  York Times ce que croyait le gouvernement au sujet de l’arsenal de l’Irak » [58]. De cette façon, on construit un journalisme  au service des puissants  et des politiques des gouvernements en place, et non au service de la vérité, de la critique ou de la formation d’une opinion publique informée et consciente.
Langlois met le doigt sur la plaie du journalisme  du conflit colombien : le conflit lui-même
À peine libéré, Roméo Langlois  a commencé à faire une série de déclarations  sur le conflit et sur le rôle que doivent avoir  selon lui les journalistes vis-à-vis de celui-ci : « Je dis en tant que journaliste qu’il faut continuer à couvrir le conflit de toutes parts(…) Pourvu que l’armée continue à emmener des gens dans les zones de conflit (…) Pourvu  qu’il y ait des personnes qui aillent aussi  avec la guérilla pour montrer le quotidien des combattants » [59]. En critiquant l’invisibilisation des  zones de conflit  dans les médias colombiens, Langlois s’est exprimé ainsi : « Je trouve triste qu’il  faille détenir quelqu’un  pour que les gens viennent dans cette zone » [60].En toute logique, ses opinions  ont créé un choc dans la majorité des médias, tout en l’accusant du syndrome de Stockholm , d’avoir des relations avec l’insurrection, et d’autres choses que l’on dit toujours quand quelqu’un  s’éloigne du manuel officiel qui dit que les insurgés sont la personnification de Satan et les seuls responsables de tous les malheurs de la Colombie et du monde [61]. Avant Langlois, l’ex-gouverneur du Meta, Alan Jara, avait également suscité des réactions hostiles quand il a donné  son opinion  objective  et avec  un point de vue sur sa captivité de plusieurs années entre les mains des FARC-EP, sans  surenchérir sur le manuel officiel [62]. De « pauvre victime » Langlois est devenu un « étranger  indiscret » pour ceux qui se prosternent devant le régime.
L’un  après l’autre, voici  les préjugés et lieux communs qui  règnent dans les médias colombiens.
  • A la différence de ceux qui assurent que l’insurrection manque d’ « idéologie », ou que ses objectifs  relèvent de la délinquance et  non de la politique, Langlois a émis l’avis que les guérilleros « lui ont semblé encore  plus  politisés qu’avant » [63].
  • Face à ceux qui ont parlé d’une « menace terroriste », comme si il n’y avait pas de conflit en Colombie, à ceux qui se contentent de donner des informations   de la seule perspective de l’État, Langlois a affirmé  sans équivoque que «  le conflit  est devenu invisible ; nous devons réfléchir à la manière de le couvrir (…) le gouvernement  a  vendu l’idée que le conflit est terminé, et il n’en est pas ainsi » [64] ; «  nous, nous partons et ce conflit va continuer. Les paysans n’auront toujours pas de routes » [65].
  •  Face à ceux qui ont parlé d’une guerre inhumaine et  qui prend des otages, Langlois a affirmé au sujet du traitement des insurgés « je ne peux pas me plaindre, j’ai été traité, je pense, comme n’importe quel  combattant  aguerri, c'est-à-dire  à la dure, avec peu de choses, ils m’ont plutôt donné  bien à manger  avec le peu qu’il y avait, mais ils ne m’ont jamais entravé , ils m’ont toujours traité comme un invité et ont toujours été respectueux, de ça je ne peux vraiment pas me plaindre» [68].
  • Sur la nature de l’opération militaire au cours de laquelle ont été détruits des laboratoires  soi-disant   capables d’extraire des tonnes de cocaïne (et pendant laquelle a été capturé le journaliste européen),   Langlois a dit que «  c’était ni plus moins qu’un modeste laboratoire comme la plus part de ceux qu’ils détruisent  à chaque fois… c’était un modeste laboratoire d’un paysan qui comptait dessus pour survivre… sur cela on a dit des tas de choses qui sont inexactes » [69] . Dans une autre déclaration, il a dit également qu’il s’agissait  « d’un laboratoire assez petit, familial, artisanal…, ce que je peux dire, oui, c’est que j’ai entendu  des membres du commando dire  qu’il y avait 400 kilos de coca  liquide, un autre dit ‘mais il n’y en a pas autant’, puis un autre ‘mais nous allons le brûler, ça ne gêne personne’… il semble vraiment, et cela je le savais déjà avant d’assister à tout cela, qu’il y a une grande manipulation des chiffres, manipulations des faits, dans cette soi-disant guerre contre le  narcotrafic, qui est un grand échec » [70].
  • Face aux médias qui disent que la paix n’intéresse pas l’insurrection, parce que la guerre est devenue pour elle ‘un fonds de commerce ‘  ou bien quand cela l’intéresse, c’est seulement  parce qu’elle est ‘aux abois’ et ‘affaiblie’ , Langlois a été clair « [l’insurrection]  veut une solution négociée au conflit intérieur avec la participation d’autres pays (…) ils veulent la paix, mais on ne les achètera pas  avec un beau discours pour qu’ils rendent les armes (…) ils sont prêts à continuer la guerre 50 ans encore, ils veulent une paix négociée mais ils n’ont  confiance ni  dans le gouvernement ni dans l’armée » [71] ; « mon impression sur ce qui s’est passé, c’est que les FARC veulent la paix, mais pas n’importe laquelle. Ils peuvent continuer  armes à la main encore pendant  50 ans (…) les gens les plus haut placés dans l’insurrection pensent à la paix, mais avant tout, ce qui est clair pour eux c’est qu’ils se sentent très forts » [72].
Il  n’est pas difficile alors de comprendre pourquoi les déclarations de Langlois ont tellement dérangé les médias. D’autant plus  qu’il a été assez critique vis-à-vis des médias colombiens, se faisant l’écho des plaintes  qu’émettent les paysans eux-mêmes sur le traitement qui est fait du conflit dans les médias :
  • « Quand on va là-bas c’est un autre monde car les paysans disent des choses qu’on ne voit pas à la télé, ils disent que c’est l’État qui est terroriste (…) Les paysans m’ont  interpellé et m’ont dit ‘vous les médias, vous ne dites pas la vérité, dites la vérité, l’armée arrive ici et nous met des vêtements militaires et ils nous tuent (…) Quand on y va comme journaliste international, les gens racontent tout ce qu’ils ne  peuvent pas raconter  parce qu’on les tue » [73].
  • « C’est  toujours dans  la campagne que les gens se plaignent et disent ‘les choses ne sont pas comme les médias les racontent’ c'est-à-dire  qu’ils sont courageux quand arrivent les journalistes à qui ils disent ‘vous dites des choses qui n’existent pas, notre vie n’est pas comme vous la décrivez, les choses sont complexes, sont difficiles, laissez-nous  vous expliquer  comment c’est » [74].
  • A propos du manichéisme dont font preuve les médias pour simplifier le conflit, Langlois a été   acerbe : « Il y a encore beaucoup  de gens qui croient en Colombie que la guérilla, ce sont des terroristes infâmes qui mangent des enfants  mais la réalité est plus complexe… ce qui se passe c’est qu’on a fait taire  très souvent les voix un peu  différentes » [75].



"Ne maltraitez pas les enfants : ils sont l'avenir", FARC-EP
Grâce à l’attention internationale sur  son cas, Langlois a eu la chance de faire connaître la réalité d’un conflit sur lequel il fait  des enquêtes depuis  des années comme très  peu de journalistes colombiens  se risquent à le faire ; à dos d’âne,  sur  des sentiers impraticables, au sud du Bolivar, dans le Bas Cauca  d’Antioquia, dans le Cauca, le Caquetá etc. Dans ses déclarations, il ne dit rien qu’il n’ait déjà dit dans ses documentaires. Ces opinions  qui lui ont valu les foudres de l’ex-président Uribe qui n’a manqué de fustiger Langlois dans  ses insupportables rengaines  sur twitter [76]  offrent  une vision plus complexe du conflit, où l’armée n’est pas « héroïque » mais plutôt vécue comme des « terroristes » dans de nombreux endroits, et  où les » terroristes » de la guérilla  sont vus  souvent comme « un gouvernement parallèle » ou comme  une véritable «  armée du peuple ». Ceci a été mis en évidence par les déclarations de quelques paysans   de la zone de San Isidro qui disaient le jour de sa libération « le gouvernement ne vient que pour   nous balancer du poison (glyphosate) ou  du plomb, ils n’ont pas fait les routes et ne les réparent pas, ils nous font crever de faim. Notre gouvernement, c’est la guérilla » [77]. Cette facette du conflit, délibérément occultée par les médias, nous aide à mieux comprendre pourquoi  il y a persistance de la lutte de la guérilla  après des décennies de guerre sale et de programmes de guerre totale financés par  les USA. Au cours d’une interview donnée  pour le programme Hora 20 de Radio Caracol, Langlois  a  donné une vision  du conflit qu’on ne livre jamais dans les médias officiels, mais qui reflète la réalité des dites «  zones rouges », les zones du conflit où l’insurrection  est profondément enracinée :
« Les guérilleros  sont aussi des Colombiens et c’est un conflit où il n’y a ni bons ni méchants, je crois qu’il y a des gens pauvres qui prennent les armes pour des raisons déterminées et tous croient agir pour ce qui est juste( …) je crois que les guérilleros  ont beaucoup à apporter au pays, de différentes façons(…)  je crois que réellement quand on se rend à la campagne, dans les ‘zones rouges’ et qu’on voit que les choses sont très différentes et ce dont je parle, moi,  c’est de  la préoccupation qu’ont  les paysans, je ne parle pas là  de la guérilla mais je me fais le porte-parole  des paysans…ils disaient toujours aux journalistes qui allaient dans leurs zones que les choses sont beaucoup plus compliquées que ce que vous la presse en général êtes en train de décrire… pour eux, il y a encore un soutien à la guérilla, c’est quelque chose de fort, mais c’est quelque chose  qu’il faut reconnaître, et eux ne veulent toujours pas de l’État, ils le voient  souvent comme une force d’occupation (…) je crois qu’il est très important que le pays connaisse la vérité, que le pays sache ce qui est en train de se passer et ce que ressentent les paysans à qui personne ne tend un micro…. C'est-à-dire, que peut bien penser  un homme qui possède un petit chongo  [78] quand arrivent les forces spéciales et qu’on le lui brûle. ...C’est  à dire que  la guérilla tire sur les hélicoptères et les gens sont contents, c’est triste, c’est dur mais c’est ainsi » [79].
Langlois a aussi mis en doute la vision d’une guérilla désespérée, au bord de la déroute militaire, sans convictions, vision alimentée par les médias depuis presque une décennie, avec des chroniqueurs médiocres, élitistes et ignorants de la réalité du conflit, comme Héctor Abad Faciolince (« un gaucho de base » passé  à l’extrême-droite « progre » de Santos),  qui  parle  de choses  aussi absurdes  que  le soutien aux FARC  qui « est plus près du zéro que des 3%» [80]. Difficile alors d’expliquer comment un groupe de « terroristes » isolés, sans base sociale, peut  tenir en échec, dans de nombreuses régions du pays, l’armée la plus puissante de toute l’Amérique du Sud [81].Ces mensonges, répétés à satiété et sans aucune honte  par les médias et les apologues du régime le plus inégalitaire du continent (même s’ils se cachent derrière une apparence de  «progrès »), se banalisent  dans le subconscient  des citoyens qui, dans les grandes villes colombiennes, sont étrangers à un conflit qu’ils ne connaissent que par les  actualités. Langlois, une de ces voix  marginales des  actualités-spectacle, fournit une vision différente à partir de son expérience sur le terrain du conflit et avec une vision critique, sans compromission avec la défense du statu quo  dont des gens comme Faciolince  profitent de façon obscène. Langlois nous dit de la « guérilla » :
« Elle est très très  forte, ces huit années du Plan Patriote, Plan Colombie, ils disent ’ c’est le meilleur entraînement que nous n’ayons jamais eu’… ou encore ils ont confiance, ils aiment les FARC, ils aiment leur organisation, ils en sont fiers. Tout le monde les taxe  de terroristes et eux ils sont  fiers de leur armée populaire comme ils l’appellent. Cela fait quarante ans qu’on essaye de les tuer et de les exterminer et personne n’a réussi. Les paysans continuent de les aimer (…) comme ils ont perdu  du terrain militaire, ils ont perdu des gens, ils tentent de retrouver encore plus d’audience parmi la population… ils changent leurs structures politiques (…) c’est plus qu’un groupe armé, c’est aussi un gouvernement parallèle dans de nombreuses régions de la campagne colombienne (…) la guérilla est quelque chose de très fort, qu’on aime beaucoup , eux aiment leur organisation, c’est un autre aspect qu’il faut prendre en compte. Ils sont fiers, ils disent qu’ils vont mourir. Il y a des désertions, bien sûr, mais on peut se demander, pourquoi n’y a-t-il  pas davantage de désertions ? Des désertions, il y en a très peu, il y en a eu beaucoup  à l’époque du Caguán et ils disent , ‘cela a fait du bien, cela a  épuré la guérilla, maintenant  ce n’est plus la quantité, c’est la qualité ‘ (…) ils sont revenus  à la guérilla mobile, ils sont prêts à  frapper, ils se retirent, ils ont beaucoup changé… et  encore, ce qu’on se dit quand on voit la vie qu’ils ont, comment ces gens ne se démobilisent-ils pas, moi, j’y  suis resté trente-trois jours,  et il n’y a pas plus horrible, eux-mêmes le disent ‘notre vie est dure, horrible, on en a marre, dans la boue toute la journée, mais si on doit encore faire trente ans de plus, on fera trente ans’ [82].


"Plan Colombie : intervention yankee"
 Cette  vision du conflit et ce travail pour comprendre  avec un esprit critique ce qui se passe au-delà des grandes villes et au-delà des instances du gouvernement et des casernes, cette volonté de faire un journalisme critique et ne pas servir de courroie de transmission de l’establishment, contraste fortement avec l’attitude de subordination  qui prévaut dans les moyens de communication traditionnels. Caracol Radio, par exemple, a envoyé en septembre 2009, 25 correspondants pour participer à un programme appelé  « Soldats d’un jour » réalisé à Malambo (Département  atlantique) par le Bataillon d’infanterie N°4, « Antonio Nariño », dans le but de  « renforcer des liens » et d « réunir  l’institution avec les moyens de communication  [pour que] ils soient un appui dans la diffusion de la campagne de démobilisation ». Dans ce programme « instructif » et « ludique », on leur a fait des discours d’endoctrinement, on leur a appris à marcher en rangs serrés et à obéir au commandement. On a leur  également enseigné d’autres belles choses  de grande utilité pour le travail journalistique comme armer et désarmer un fusil Galil [83].Est-ce que des  correspondants  qui cultivent des affinités avec l’armée peuvent être des  journalistes sans  même parler d’impartialité mais au moins critiques ? Ceux qui obéissent aux « ordres » de l’armée  peuvent-ils  avoir quelque forme d’indépendance ? Quel rapport existe-t-il entre le travail journalistique  et le soutien à des stratégies militaires comme celles qui visent la démobilisation ? Pourquoi les médias autorisent-ils  l’intégration active  de leurs travailleurs (civils) dans une des parties du conflit ? Que diraient ces mêmes médias si un média alternatif faisait lui aussi  un programme ‘ ludique’ et ‘instructif’ appelé ‘guérilleros d’un jour’ ?
Au-delà de la critique des médias : la bagarre pour l’espace informatif
Au-delà du fait que la presse colombienne soit  mauvaise, partielle,  belliqueuse,  qu’elle désinforme, qu’elle soit  frileuse et limitée, et au-delà du rôle extraordinaire de certains journalistes  étrangers comme Roméo Langlois ou  des quelques cas de  journalistes colombiens  qui travaillent pour des mass-médias  comme Hollman Morris, Alfredo Molano, Claudia Julieta Duque, Daniel Coronell etc ;, il est certain qu’il  faut avancer  dans le débat  sur la raison  pour laquelle les médias alternatifs ne réussissent pas à disputer un espace plus grand par rapport aux médias officiels. Étant bien entendu que la répression, la menace et l’assassinat  jouent un rôle important. On peut citer le cas de Carlos Lozano, du journal communiste Voz ,  constamment menacé pour sa vie, qui a révélé récemment  l’existence d’un plan pour l’assassiner  mobilisant des moyens  de l’ordre de 200.000 $ [165 000 €][84].Des histoires de menaces  et d’attaques  contre des radios communautaires, contre des  médias alternatifs sont nombreuses [85]. Il  reste  certain  cependant  qu’il est nécessaire d’essayer de façon plus ambitieuse, plus sérieuse de construire un puissant réseau de médias qui à partir de la base fasse connaître la réalité du conflit social et armé colombien qui est bien plus qu’un simple affrontement militaire entre la guérilla et l’État.
Si personne ne parle pour les paysans, pour les marginaux, il est nécessaire  que ceux-ci élèvent fortement  la voix pour se faire entendre. Naturellement,  il existe dans des espaces des médias officiels quelques lueurs de critique et quelques expériences intéressantes  qu’il faut défendre  et soutenir. Il est certain que beaucoup de ces mouvements ont des canaux de communication, lesquels, on peut le regretter, sont très  limités à leur  cercle  immédiat d’influence – leurs quartiers, leurs communautés, leur travail, etc…-Il faut faire un pas en avant, réunir des volontés et des moyens, même s’ils sont limités, et  contrecarrer l’effet nocif  produit par les médias de désinformation  de masses  qui sont  en faveur des intérêts politiques, militaires et économiques d’une infime minorité de la société colombienne - cette infime portion du pays qui s’enrichit  avec la guerre et qui a transformé en terreur  son mécanisme privilégié de contrôle social en plus d’un demi -siècle d’application  de la guerre sale contre le peuple tout entier. Il est fondamental de discuter davantage du rôle des médias alternatifs : que transmet-on ? Comment ? Dans quel but ? A quel public ? Il faut : débarrasser  notre pensée critique, alternative  des discours faciles et des formules rebattues, des qualificatifs excessifs ; abandonner la rhétorique  stérile au profit de la reconnaissance des faits et de l’analyse exhaustive de la réalité ; abandonner  l’aspect viscéral  sans laisser de côté la nécessaire indignation  et développer une presse dont l’objectif ne doit être l’endoctrinement  mais plutôt le développement des facultés critiques des personnes, endormies par l’effet abrutissant  des médias  partisans du gouvernement. Nous devons nous réapproprier la dénonciation basée sur des données fortes et crédibles, reprendre l’investigation  abandonnée par les journalistes au service du système, investigation que nous pouvons faire de la meilleure façon à partir de nos territoires, de nos réalités, de notre engagement. Nous avons tous notre goutte d’eau à apporter à cette tâche.

Pour l’instant, saluons le fait que l’épisode Langlois  ait servi, au moins, à commencer à mettre en évidence  la partialité du discours  proche du gouvernement  qui se cache sous le nom de «  presse »  en Colombie. Nous saluons également le fait que cet épisode  ait permis de  montrer   à la Colombie   et au monde cette autre Colombie qui respire, vit et se développe dans les villages ruraux  qui affrontent et résistent depuis un demi-siècle   à tant de violence de l’État, ainsi qu’à la voracité des entreprises, des latifundistes, des multinationales. Il est cependant important que nous passions  de l’étape de la critique à la construction d’alternatives  et nous espérons que cet épisode sera  aussi un premier pas vers la construction d’un espace  informatif, journalistique, d’investigation à partir duquel on pourra faire connaître la réalité déchirante  du conflit social et armé comme contribution à son dépassement.
Notes

[1] http://cromos.com.co/personajes/actualidad/articulo-144...erado La position des FARC-EP à propos de la détention  de Langlois et des confusions  sur sa présence aux côtés des troupes de l’État, est explicitée  par Colacho Mendoza, commandant du Front 15 . http://www.youtube.com/watch?v=ro8DUMdgmDQ
[2] http://www.rebelion.org/noticia.php?id=149277&titular=l...obre-
[3] http://www.elespectador.com/opinion/editorial/articulo-...llada
[4] http://www.eltiempo.com/opinion/editoriales/exigencias-...062-4
[5]Une version  particulièrement pathétique de cette position a été écrite quelques mois après par   Héctor Abad Faciolince, qui dans sa chronique d’El Espectador (dans laquelle, il convient de préciser qu’il n’accepte pas de commentaires de participants à des forums) compare le fait d’interviewer des guérilleros  avec le fait d’en être complices - en attaquant, au passage Jorge Enrique Botero  et  Piedad Córdoba  avec le même acharnement  et de façon aussi minable que le partisan d’Uribe  le plus  paumé.  Il suffit de dire  que dans sa chronique il se consacre à attaquer  sans pitié  la gauche  conséquente et à excuser l’extrême-droite, le tout enveloppé de rhétorique  pseudo-progressiste, il n’est pas le seul dans ce cas.  Cette chronique est une défense honteuse du journalisme ‘proche du pouvoir ‘ et au service de la propagande de l’État. Sa position concorde parfaitement  avec la dissimulation  du conflit  opérée constamment par les médias, et   ce n’est pas par hasard qu’on l’appelle, pour se moquer  « Facholince ».( facho-lynx) Ver http://www.elespectador.com/impreso/opinion/columna-296...sinos
[6] http://www.lasillavacia.com/elblogueo/ccortes/33150/cub...acion
[7] http://www.elespectador.com/noticias/paz/articulo-35010...n-gol
[8] Voir le rapport annuel 2011 de Reporters Sans Frontières , p68.Il faut souligner que toutes les violations  de la liberté de la presse  et des journalistes  cette année –là, ont été réalisées  par des paramilitaires. Voir  les rapports sur http://www.rsf-es.org/
[9] Voir rapport de RSF de 2009.
[10] http://www.anarkismo.net/article/14779
[11] Taussig, Michael, “Law in a Lawless Land: Diary of a ‘Nettoyage en Colombie’ (Limpieza’ in Colombia”), Ed. New Press, 2003, p.9. La source est anonyme par nécessité de protéger la source en pleine campagne d’extermination  conduite par les paramilitaires des AUC  totalement  alliés  à l’armée nationale.
[12] http://www.presidencia.gov.co/prensa_new/discursos/esqu...s.htm
[13] http://www.pnud.org.co/img_upload/9056f18133669868e1cc3...2.pdf p.8
[14] http://www.pnud.org.co/img_upload/9056f18133669868e1cc3...2.pdf p.8
[15] http://www.anarkismo.net/article/10199
[16] Pour plus d’informations sur le cas du DAS et la persécution politique  déclenchée par cet organisme de l’Etat, consulter http://www.anarkismo.net/article/16405
[17] http://www.anarkismo.net/article/14779
[18] http://www.youtube.com/watch?v=eKDP2jf8Fmo
[19] http://www.anarkismo.net/article/16405
[20] http://www.anarkismo.net/article/16450
[21] http://www.elespectador.com/impreso/cuadernilloa/entrev...audia
[22] http://www.elespectador.com/audio-juan-manuel-santos-ac...elito
[23] http://www.elespectador.com/impreso/opinion/columna-343...glois
[24] http://www.contravia.tv/article/detalles-de-la-operacio...uerto
[25] Sur le cas de Hollman Morris et sur les risques du travail journalistique en Colombie, voir un documentaire  intitulé « Témoin indésirable »  («Testigo Indeseable ») http://www.temoinindesirable-lefilm.com/
[26] http://www.elespectador.com/opinion/columna-350523-el-r...ances
[27] http://www.derechos.org/nizkor/colombia/doc/quince.html
[28] http://www.flip.org.co/alert_display/2/720.html
[29] http://www.semana.com/nacion/manual-para-amenazar/13256....aspx
[30] Ibid
[31] Ibid. Le cas de la journaliste ne s’arrête pas là. Plusieurs années après elle a continué  à recevoir des menaces et des attaques. Voir  :http://www.derechos.org/nizkor/colombia/doc/julie12.html  et une interview de Cécilia Orozco  dans laquelle elle donne davantage d’antécédents sur son cas  http://www.elespectador.com/impreso/cuadernilloa/entrev...audia
[32] http://www.elespectador.com/opinion/columnistasdelimpre...do-16
[33] http://res.uniandes.edu.co/view.php/319/view.php
[34] http://www.eln-voces.com/index.php?option=com_content&v...id=69
[35] http://www.revistapueblos.org/spip.php?article1910
[36] http://www.anarkismo.net/article/14780
[37]Par exemple, Ardilla Lulle est un puissant agro-industriel.  http://www.youtube.com/watch?v=ro8DUMdgmDQ
[38] http://www.pnud.org.co/img_upload/9056f18133669868e1cc3...2.pdf p.32
[39] http://www.eltiempo.com/archivo/documento/MAM-2862701
[40] http://www.elespectador.com/noticias/judicial/articulo-...umayo
[41] Je ne pense pas qu’il soit la peine d’insister sur le fait que cette accusation est plutôt cynique, de la part de fonctionnaires d’un État intimement lié  aux cartels et aux paramilitaires, lequel  était financé, selon ses propres leaders , pour 70% par le narcotrafic. Les récents scandales de la famille Uribe  et de son ex-chef de la sécurité  avec  les  narcos, ne sont qu’un rappel du caractère mafieux de ce régime  surnommé par les USA eux-mêmes  pendant  le gouvernement de Samper « Narco-démocratie ».
[42] http://www.elespectador.com/noticias/judicial/articulo-...-farc
[43] http://www.eltiempo.com/politica/ARTICULO-WEB-NEW_NOTA_....html   Important selon nous.
[44] http://www.eluniversal.com.co/cartagena/editorial/la-es...logia
[45] http://m.eltiempo.com/justicia/reconocer-el-conflicto-no-cambia-estatus-de-las-farc/9547384
[46] http://www.elespectador.com/opinion/editorial/articulo-...glois
[47] http://www.elespectador.com/noticias/judicial/articulo-...-farc  Les médias dénigrent aussi les idées du mouvement insurrectionnel sans prendre sérieusement en compte ses positions,  comme le prouve cette chronique médiocre de Patricia Lara:
http://www.elespectador.com/impreso/opinion/columna-320...achos  ou comme le démontre un “reportage” sur l’insurrection  écrit par  Hécto Abad Faciolince (reportage “a la colombienne”  qui  ne compte pas une seule visite  aux guérilleros ou sur leurs zones d’opérations), dans lequel l’écrivain élitiste se plaint de la syntaxe des communiqués  des guérilleros, sur quoi il se base pour déduire ”la pauvreté idéologique” de ces paysans « va –nu-pieds »   qui n’ont pas dû  être éduqués dans les meilleurs centres éducatifs comme lui et qui pour ces mêmes raisons  n’ont pas le droit de faire de la politique, activité réservée aux  patriciens colombiens: http://www.elespectador.com/impreso/cuadernilloa/politi...selva
[48] Il est intéressant de  citer un exemple : en 1876, le libéral Giovanni  Nicotera, ministre de l’Intérieur italien,  a éliminé le terme ‘ délit politique’ pour employer ‘charges pour délits de droit commun’ dans la répression  contre les membres de la section italienne de l’Internationale, organisation  fondamentalement  socialiste libertaire et révolutionnaire. Sa justification  devant le parlement est identique à celle qui est utilisée en Colombie pour  criminaliser la rébellion  et l’assimiler à la délinquance de droit commun de nos jours. Nicotera,  avec le même élitisme que celui des médias colombiens a affirmé:”  les  grands principes de la liberté  ne s’appliquent pas aux internationalistes (…)  parmi lesquels, on ne trouve aucun homme ayant des idées politiques (…)  la majorité des internationalistes en Italie sont quasiment analphabètes , on ne devrait pas  prendre ces gens pour des penseurs, des scientifiques ou des propagandistes (…) il ne sont qu’une association de malfaiteurs”. Cité dans  Nunzio Pernicone “Italian Anarchism, 1864-1892” AK Press 2009, p.133.
[49] A propos des confusions entretenues par les médias sur le massacre de Tame,  http://www.kaosenlared.net/america-latina/item/21836-co...de-crímen-de-niños-pese-a-haberse-encontrado-su-semen-en-las-víctimas.html   voir également  les deux articles  sur ce cas et sur le massacre http://www.anarkismo.net/article/17919 yhttp://www.anarkismo.net/article/19272
[50] http://www.revistapueblos.org/spip.php?article1910  Soit dit en passant, les médias ont utilisé l’incident du collier-bombe pour torpiller les négociations pour la paix  à Caguán et pour entraîner un secteur de l’opinion publique  sur le chemin de la guerre, préparant ainsi le terrain  pour l’ « Uribisme ».
[51] Leech, Garry “The FARC –The Longest Insurgency”, Zed Books, 2011, pp.128-129. Il est nécessaire de préciser que même  dans les chiffres dont  disposent les organisations des Droits de l’Homme, les statistiques   sur les violations par les paramilitaires ou l’armée sont sous-estimées, puisque beaucoup de gens ont peur de dénoncer la force publique (ou ses alliés paramilitaires) auprès des autorités qu’ils considèrent à juste titre complices.  .
[52] Noam Chomsky  a déjà travaillé, au cours de la décennie 70, sur la partialité des médias dans la couverture des  atrocités commises par différents gouvernements  dans le Tiers Monde. Ses   conclusions  sont que plus les USA appuieront  ces régimes, plus ils cacheront leurs atrocités. Voir le documentaire “Manufacturing Consent”http://www.youtube.com/watch?v=3AnB8MuQ6DU : à un certain moment, ils font une étude comparative  de la période 1975-1979 sur le nombre de  pouces qu’‘ont mesuré’ les  articles  sur les atrocités   au Cambodge et ceux de l’Indonésie à Timor Leste  dans le New York Times,  ces dernières soutenues directement  par les USA. Alors que les atrocités à Timor Leste ont été comparativement aussi horribles, sinon pires, que celles du Cambodge, ce pays n’a occupé que 70 pouces des rubriques d’information pendant que le Cambodge en a occupé 1.175 pouces (voir à 1:20:00 du documentaire).Il est évident que la couverture n’est d’aucune façon  proportionnelle  aux  évènements, mais  plutôt  en rapport avec l’agenda politique usaméricain qui cache certaines atrocités et en reproduit d’autres  jusqu’à satiété. Quelque chose de pas très différent au traitement donné par les médias locaux et internationaux  au conflit colombien.
[53] http://www.pnud.org.co/img_upload/9056f18133669868e1cc3...2.pdf pp.8-9.Important selon nous
[54] http://www.revistapueblos.org/spip.php?article1910
[55] http://www.elespectador.com/opinion/columna-350523-el-r...ances
[56] http://www.elespectador.com/opinion/columna-346228-recu...talla
[57] http://www.pnud.org.co/img_upload/9056f18133669868e1cc3...2.pdf p.31
[58] http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2011/feb/05/tra...ngton
[59] http://www.bbc.co.uk/mundo/noticias/2012/05/120530_colo...shtml
[60] http://www.elespectador.com/noticias/paz/articulo-34987...ombia
[61] Ver http://cnnespanol.cnn.com/2012/05/30/en-marcha-operativ...lois/ y http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=...DEl8# On peut lire dans une note d’Eduardo Mackenzie une des opinions les plus virulentes, opinion  qui reflète bien celle de l’’uribisme’ sur Langlois et  sur son travail de journaliste .http://www.periodismosinfronteras.com/el-curioso-period....html
[62] On peut consulter ses déclarations sur http://www.elespectador.com/noticias/paz/articulo114671...abras
[63] http://www.bbc.co.uk/mundo/noticias/2012/06/120610_entr...shtml
[64] http://www.elespectador.com/noticias/paz/articulo-34987...ombia
[65] http://m.eltiempo.com/justicia/nosotros-nos-vamos-y-este-conflicto-va-a-seguir-romeo-langlois/11912181/1
[66] http://www.citytv.com.co/videos/794266/primeras-declara...erado
[67]  voir vidéo  dans le reportage suivant http://cromos.com.co/personajes/actualidad/articulo-144...erado
[68] http://m.eltiempo.com/justicia/nosotros-nos-vamos-y-este-conflicto-va-a-seguir-romeo-langlois/11912181/1. Ses positions ont été  assez  proches des opinions d’Alan Jara, qui après plusieurs années de captivité  a affirmé: “ Il y a une différence  entre  la décision  des chefs de la guérilla  de nous garder aussi longtemps dans la forêt  et le traitement  au  quotidien. Ils nous donnent ce qu’ils trouvent.  Il n’y a pas de maltraitance, pas de grossièreté, pas d’humiliations rien de tel, simplement ce qu’il faut (…) Les chaînes, la plus part du temps sont utilisées  comme moyen de sécurité. Ils n’ont pas l’habitude de nous mettre les chaînes pour nous torturer. Quand nous nous trouvons dans des camps fermés, avec des grillages et des lignes de sécurité, il n’y a pas de chaînes. Quand nous sortons dans la  zone, on nous met les chaînes pour marcher, oui dans ce cas on a les chaînes. Les guérilleros eux-mêmes chargés de nous les mettre rechignent à le faire quand ils ont cette mission. Je préfère me souvenir  d’eux le lendemain quand ils nous les enlevaient. ” http://www.elespectador.com/noticias/paz/articulo114671...abras
[69] http://www.citytv.com.co/videos/794266/primeras-declara...erado
[70]  Voir vidéo  dans  le communiqué  suivant http://cromos.com.co/personajes/actualidad/articulo-144...erado  D’après ce qui est  écrit  dans le communiqué, au moment de la libération de Langlois, le 30 mai   sur le chemin de San Isidro, dans le Caquetá, “le paysan , propriétaire du laboratoire  de traitement  qui a été brûlé  avant le combat  a parlé et il a raconté que c’était une petite cuisine et qu’il n’avait pas les  moyens de traiter  400 kilos de pâte  base et encore moins de la cocaïne. On appelle  « cuisine »  un laboratoire artisanal  pour le traitement de la pâte base de la cocaïne. Dans les enregistrements de Langlois, on peut  se rendre compte de l’aspect rudimentaire  de ces cuisines. http://www.france24.com/en/romeo-langlois-colombia-farc...sfire  Dans un  autre communiqué de presse, on cite Langlois qui donne plus d’éléments permettant de  comprendre les  abus et exagérations dans lesquels on tombe au sujet de la politique  de guerre contre les drogues: “Actions, humiliations, aux gens qui ont une provision  moyenne de coca, on enlève tout ce qu’ils ont pour manger »  http://www.avn.info.ve/contenido/langlois-confirma-denu...ianas
[71] http://www.telesurtv.net/articulos/2012/05/31/langlois-....html
[72] http://www.jornada.unam.mx/2012/06/01/mundo/033n1mun
[73] http://www.telesurtv.net/articulos/2012/05/31/langlois-....html  Au cours de  leurs déclarations, les paysans de la zone du Caquetá où a été libéré Langlois, ont dénoncé une série de violations  commises par l’armée colombienne , jamais révélées dans les médias http://www.youtube.com/watch?v=UxVAVjnD_CE&feature=relmfu
[74] http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=...DEl8#!
[75] http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=...DEl8#!
[76] http://www.rcnradio.com/noticias/uribe-asegura-que-rome...-2764
[77] http://cromos.com.co/personajes/actualidad/articulo-144...erado
[78] Un “chongo”, c’est comme la “cuisine” (cocina), un laboratoire  de type artisanal, de faible capacité, pour le traitement de la pâte base de la cocaïne.
[79] http://www.caracol.com.co/noticias/los-guerrilleros-tam....aspx Dans les citations de Langlois entendues  à la radio   ou dans des dossiers  audios, il y a quelques erreurs  grammaticales et syntaxiques minimes dues à la nationalité française du journaliste .De telles erreurs sont insignifiantes et ne nuisent pas à la compréhension  du message, j’ai préféré rester le plus fidèle possible  à ce qui a été dit par Langlois lors de la transcription.  
[80] http://www.elespectador.com/impreso/cuadernilloa/politi...selva
[81]Le  journaliste  Garry Leech, dans  son livre cité sur les  FARC-EP,  décrit la schizophrénie  de la droite colombienne et des moyens de communication, qui d’une part disent  que les guérillas  n’ont aucun soutien populaire, mais d’un autre côté,  que presque  tous les  mouvements sociaux  sont infiltrés par les guérilleros, que les universités sont des antres remplies de “terroristes” , que les syndicalistes  et les ONG sont aussi des façades de la “guérilla”, que les zones rurales occupées par l’armée sont des secteurs  où il existe des sympathies pour les guérillas, etc…Mais la réalité n’est pas si contradictoire - ou bien l’ insurrection  a un soutien  ou bien elle ne l’a pas : Il n’est pas possible qu’elle ait un soutien lorsqu’il s’agit de justifier la répression, et qu’elle ne l’ait pas , lorsque qu’il faudrait justifier le refus d’établir la négociation politique. Voir  cette polémique dans  Leech, op. cit, pp.92-93.
[82] http://www.youtube.com/watch?v=_eJEM_m87q0
[83] http://www.primeradivision.mil.co/?idcategoria=232245
[84] http://www.redglobe.org/america/colombia/16/2990-narcop...ozano
[85]Sur Internet, Anncol est fréquemment harcelé  au point  que le délit d’opinion soit  utilisé quand Dick Emanuelsson , collaborateur d’Anncol,  est poursuivi  et que son directeur Joaquin Pérez Becerra est arrêté ( arrêté au Venezuela puis  extradé  illégalement  vers la  Colombie, sans aucune preuve solide en dehors de ses opinions politiques).
 

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