jeudi 12 novembre 2015

Zoe Konstantopoulou : « Le gouvernement grec a sacrifié la démocratie »
Interview



Gwenaël Breës  

On connaît Zoe Konstantopoulou comme la seconde femme à avoir pris le rôle de présidente du Parlement grec. Largement élue à ce poste en tant que membre de Syriza au début du mois de février 2015, elle le quitta le 4 octobre de la même année, cette fois comme membre d'Unité populaire — un parti formé après l'annonce des élections anticipées. Tout au long de ces huit mois, Konstantopoulou a marqué les esprits pour son travail au sein de la Commission pour la vérité sur la dette publique grecque autant que pour son respect des règles démocratiques, son opposition forcenée à la capitulation du gouvernement Tsípras et sa pugnacité à contredire l'affirmation que celui-ci n'avait pas d'autre choix… Elle s'est moins exprimée sur la question monétaire, sa vision actuelle des « plans B », ou encore sa courte mais intense expérience de l'exercice du pouvoir : nous la retrouvons à Bruxelles, dans le hall de son hôtel — l'échange se fait en français. Un éclairage de l'intérieur sur ces quelques mois qui ont chamboulé l'Europe et trahi les espoirs du peuple grec.

On connaît votre parcours d'avocate spécialisée dans les droits de l'homme, mais moins votre parcours politique avant de rejoindre Syriza. Quel a-t-il été ?

En tant qu'étudiante, j'ai été membre des représentations syndicales des étudiants, au sein de syndicats indépendants. Dans mon parcours, je n'ai jamais cherché à m'inscrire dans des partis politiques ; la première fois que j'ai participé à un processus électoral, c'était lors des élections européennes de 2009, sur la liste de Syriza dont je n'étais pas membre. Je me suis présentée non pas pour être élue, mais pour soutenir cette liste. En 2012, j'ai été élue et c'est alors que je me suis faite membre de Syriza. C'était au moment où le parti s'était unifié et se concevait comme celui de ses membres ; c'est justement ce pari qui m'avait incité à rejoindre un parti politique, pour la première fois. Et c'est l'échec de ce but proclamé qui, à mon avis, a conduit à la dissolution de Syriza. Car, en vérité, ce qui apparaît comme Syriza aujourd'hui n'a plus rien à voir avec le Syriza dont j'ai fait partie.

La victoire de Syriza aux élections de janvier 2015 n'était pas une surprise. Dans la période qui a précédé, vous faisiez partie de son « cabinet fantôme ». Comment étiez-vous préparés au sein de cette équipe à l'accession au pouvoir, et notamment aux négociations qui s'annonçaient avec les créanciers ?

Ce qui est déplorable, c'est que toute la préparation faite au sein des « cabinets fantômes » (c'est-à-dire des personnes et des équipes chargées chacune d'un domaine) n'a pas été utilisée. Et dans plusieurs domaines, elle n'a pas été valorisée. En ce qui concerne les questions de justice, de transparence, de corruption et de droits de l'homme, dont j'étais en charge, le travail accompli n'a même pas fait l'objet d'une séance officielle de présentation. Après les élections, j'ai pris l'initiative de rencontrer le ministre de la Justice pour lui faire part de tout le travail préparatoire accompli, mais ce n'était pas organisé par le parti. De la même manière, les gens qui étaient en charge de la préparation, dans plusieurs autres domaines, n'ont pas été consultés pour la mise en place du travail gouvernemental.
Pour quelles raisons ?
C'est une question à poser au Premier ministre, Aléxis Tsípras. L'équipe était dirigée par Aléxis Mitrópoulos. Le futur vice-président du gouvernement, Ioánnis Dragasákis, et Dimítris Stratoúlis y participaient aussi. Il y a eu ce phénomène des comités de préparation qui n'allaient pas jusqu'au bout ou qui étaient dépossédés de leur mandat au cours des mois. Je ne peux que souligner le fait qu'on a été plusieurs à dire que ce travail préparatoire était indispensable et devait continuer. En ce qui me concerne, ayant été aussi chargée d'un comité formé au sein du groupe parlementaire pour suivre la législation sur les mémoranda et préparer leur abolition, j'ai signalé à plusieurs reprises qu'il fallait davantage de préparations. Pour ce comité spécifique, j'ai envoyé une lettre à Aléxis Tsípras en juin 2014 pour lui dire qu'il fallait soit s'assurer que le comité fonctionne, soit le dissoudre. Je lui signalais aussi que cette préparation contre les mémoranda est un travail très sérieux pour lequel on ne peut pas compter tout faire après les élections.

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